Ce film a-t-il fait quelque chose pour la courte victoire de Prodi aux élections ? En tout cas, il a eu un grand impact attirant quelque 2 millions de spectateurs (390 copies dans les salles italiennes) et on peut penser que le travail de sape de Moretti a eu une influence sur le scrutin. Il Caimano est très marrant. Moretti, agitateur d'idées de gauche, est aussi un cinéaste original, inclassable, sérieux et fantaisiste à la fois. Comme acteur aussi, il contribue par son seul nom à remplir les salles. Dans Il Caimano, on voit un producteur sujet à une double crise. D'une part, sa femme veut le quitter. Et d'autre part, ses films de série 3 ne cassent pas la baraque. Il perd sa femme et son argent. Lorsqu'une jeune cinéaste vient le voir avec un scénario (sérieux), il croit retrouver une sorte de respectabilité et oublie ses malheurs. C'est en fait un film sur Berlusconi. Depuis l'époque des Rondes citoyennes en Italie, mouvement hors partis politiques, où Nanni Moretti a pris une part importante, il cherchait à faire un film sur Berlusconi. Il se demandait quel mystère était derrière ce personnage qui possédait la moitié des médias, des affaires mirobolantes dans les banques, des entreprises de toutes sortes, qui était derrière la corruption d'avocats, de députés et qui faisait subir avec Forza Italia au pays les désastres qu'on sait, en particulier son alliance avec l'extrême droite, avec Bush, l'envoi des soldats en Irak... Comme désastre lui-même, Berlusconi est un pur produit de l'Italie. Il Caimano est donc le film politique par excellence. Il unifie la comédie et la prise de position idéologique. Michael Moore faisait aussi rire avec son film. Nanni Moretti n'est pourtant pas un idéologue borné, pur et dur. C'est le contraire. Il respecte toutes les opinions. Il restitue le personnage de Berlusconi tel qu'il est, sans caricature. L'ampleur des dégâts que l'ex-Premier ministre a causé, cela suffit pour le discréditer aux yeux de l'opinion. Mais il reste un mystère : pourquoi les Italiens ont-ils voté pour lui et à deux reprises confié le poste de président du conseil ? Pour finalement le chasser avec une très courte marge pour l'opposition. Moretti pense que tout ça, c'est à cause de la télévision, aux chaînes que possède Berlusconi et qui ont réduit toute la vie politique italienne à de minables talk-shows, où des représentants fascistes (de la ligne du Nord) parlent à longueur de temps de leurs sinistres projets politiques. Cela n'a créé aucun scandale en Italie. Le pire était devenu la norme. Au festival, Il Caimano a reçu un accueil courtois.