La journée printanière se prêtait à moult programmes de détente, mais les 47 millions d'électeurs italiens ne pouvaient ignorer leur devoir, en ce dimanche des rameaux prépascal pour les catholiques, car l'avenir politique, économique et social de la péninsule se décidera ce soir, à l'issue de la deuxième journée de vote, qui se conclura à 15h locales (14h algériennes). Pour éviter le ratage des votes précédents tenus durant la belle saison, lorsque les électeurs, en parfaits épicuriens que sont les Italiens, ont préféré aller dorer leur peau au soleil que de soigner le futur du pays, faisant enregistrer un fort taux d'abstention, les organisateurs ont préféré étaler le scrutin sur deux journées. Hier, à midi, seuls 17,6% de l'électorat (21% à la même heure aux précédentes législatives) avaient accompli le geste qui donnera au pays son futur parlement, en désignant les 618 députés de la chambre et les 309 membres du sénat. Les Italiens vivant hors de la péninsule ont pu voter, pour la première fois, grâce à la réforme de la loi électorale. Plus de 42% d'entre eux, soit 1,7 million, ont participé au vote, avant leurs concitoyens de la péninsule. Les opérations de dépouillement et le décompte des voix se feront dès la fermeture des bureaux de vote et les premiers résultats devraient être connus tard dans la soirée. On saura alors si les sondages qui donnaient la coalition de centre gauche favorite de ces élections législatives ont reflété la volonté de la majorité des votants. Demain, à leur réveil, plusieurs Italiens penseront au film Le caïman du cinéaste Nanni Moretti, sorti dans les salles en pleine campagne électorale et qui a provoqué un grand débat, tant le personnage central de son film, un certain Silvio, ressemblait à s'y méprendre à l'actuel chef du gouvernement, « Il Cavaliere », qui a d'ailleurs déclaré à ce propos : « Oui, le caïman c'est moi... car quand j'ouvre la bouche on ne sait jamais si c'est pour sourire ou pour manger des enfants. » A en croire ceux qui ont voté pour Romano Prodi, ce ne serait pas pure paranoïa que de craindre s'avérer un jour la dernière scène de la fiction cinématographique de Moretti - un militant de gauche qui tente, depuis des années, d'empêcher ses concitoyens de tourner en rond - celle où on voit un Berlusconi, condamné par la justice pour avoir corrompu les juges, quitter le tribunal sous un tonnerre d'applaudissements, en criant : « La majorité des Italiens m'a voté... », alors que les magistrats, entourés d'un cordon de sécurité, tentent d'échapper au lynchage par une foule furieuse et menaçante.