Il y a un an, presque jour pour jour, une jeune fille a été frappée, séquestrée, humiliée et torturée, pendant six jours, avant de rendre l'âme. Ses bourreaux, — son père et sa marâtre —, ont utilisé toutes sortes d'instruments de torture, bâtons, marteaux, tenailles, avant de la poignarder. C'était le 23 octobre 2012 dans une ville de l'Est, Mila. Elle s'appelait Sabah et n'avait que 23 ans. Qui s'en souvient ? Combien d'autres Sabah s'enferment dans le mutisme ou partent dans le secret d'une mort masquée par le tabou. Les femmes sont, sans conteste, les premières cibles. Près de 12 000 femmes sont violentées chaque année. Des milliers de femmes violées et torturées dans l'indifférence. Plus d'un million d'Algériennes seraient interdites de quitter le domicile familial. «Dans un contexte où l'accès aux droits est mesuré à chaque Algérienne et chaque Algérien, droit de se réunir, droit de manifester, droit au logement, droit à un emploi et enfin application des lois, les femmes sont données en pâture, livrées à un ordre patriarcal qui constitue le lieu du dernier pouvoir masculin lorsque les hommes ont tout perdu, et d'abord l'estime de soi !», explique la sociologue Fatma Oussedik. Le sentiment d'insécurité s'intensifie dans les rues tortueuses autant que dans les grandes artères exacerbant lui-même les violences qui imposent l'hostilité et la suspicion comme modes de communication quasi systématique. Pour les femmes, c'est pire. Elles se sentent souvent épiées, surveillées de près, parfois menacées. Leur présence dérange. Elles sont intimidées du regard, quand bien même elles sont voilées. Leur place n'est pas dans la rue et on le leur fait sentir. Elles font face au mépris qui cache mal un désir mal assumé. Elles pressent le pas pour y échapper, mais rien n'y fait. Les mots tombent. Maladroits, provocateurs, vulgaires. Des injures, parfois des propositions indécentes, des remarques humiliantes. Elles sont toisées, jugées, et il arrive même qu'un prix leur soit fixé. En leur rappelant qu'aussi vertueuse qu'elles puissent être, il faut qu'elles restent chez elles pour mériter le statut de fille de bonne famille (bent familya). Il arrive parfois qu'elles soient regardées avec admiration, même une pointe de respect. C'est rare.