Les habitants de ces bas-fonds de la ville qui ont vu naître de grands révolutionnaires, souffrent de mille maux : cadre de vie dégradé, routes détériorées et décharges à ciel ouvert. A longueur de journée, notamment aux heures de pointe, l'avenue du 20 Août 1955 qui traverse le quartier populaire de Aouinet El Foul, ne désemplit guère. La forte densité de circulation s'explique surtout par le fait que cet axe demeure l'un des principaux accès vers la ville à partir de la RN27, pour ceux qui arrivent par voiture, de Hamma Bouziane, Didouche Mourad, des lotissements d'El Menia, de Sidi M'cid, mais aussi de Jijel et de Mila. Ce qui explique la cohue qui y règne, notamment à cause des mouvements des fraudeurs, très sollicités à cause d'un manque flagrant de moyens de transport vers les cités de cette partie de la ville. Une véritable aubaine pour des dizaines de conducteurs qui, comble de l'ironie, ont improvisé une «mini» station en face du siège de l'union nationale des chauffeurs de taxis. Ils ont même fini par imposer leur loi, en grignotant l'espace réservé aux voitures jaunes. «C'est la grande débandade qui provoque de longs embouteillages dans la matinée, ce qui irrite les conducteurs qui arrivent toujours en retard à leur travail», dénonce un usager de ce tronçon. L'anarchie qui règne dans ce lieu n'a pas de pareil, surtout en l'absence des agents de l'ordre. «Il suffit que les motards y fassent une tournée pour que la circulation devienne fluide, mais finalement jusqu'à quand ?» s'interroge un chauffeur de taxi. Mais ceci n'est qu'une facette du degré de décrépitude dans lequel sombre ce quartier populaire qui demeure parmi les lieux historiques de la ville, qui a vu naître et grandir plusieurs noms illustres de la révolution algérienne. Plusieurs immeubles remontant à l'époque coloniale sont dans un état de dégradation lamentable. A la rue Swan (pas le personnage du roman de Marcel Proust), et où se trouve encore l'une des plus anciennes imprimeries de Constantine, de vieilles maisons en pierre continuent de résister. A défaut d'être habitées, elles servent de petites échoppes où l'on vend de la viande et des abats sur des étals de fortune et dans des conditions d'hygiène déplorables. Des décharges à ciel ouvert En contrebas de l'hôtel Novotel, inauguré il y a quelques années, c'est une décharge à ciel ouvert qui a envahi l'espace boisé dominant la route, transformé à la tombée de la nuit en lieu de rencontres pour les amateurs de sensations fortes. Une image peu reluisante pour une ville qui aspire à développer son tourisme. Un peu plus bas, sur des artères sinueuses mal goudronnées, l'on est surpris par ces maisons qui côtoient de vieilles écuries, aménagées en locaux commerciaux. Une trouvaille propre à ce quartier où chacun se débrouille pour gagner sa vie. Plus on descend, plus on est frappé par ces odeurs des déchetteries envahies par des troupeaux de chèvres, où des terrains vagues ont été transformés par les enfants en espaces pour jouer au football tous près des dizaines de constructions inachevées. Un décor propre à ces quartiers des bas-fonds de la ville. Sur le bord des escaliers, les seuls qui relient les côtés supérieur et inférieur de Aouinet El Foul, les caniveaux recueillent tout ce que les flots de pluie peuvent ramener : des sachets en plastique, des pierres, des troncs d'arbres, des gravats, des objets hétéroclites et même des canettes de bière. «Durant les fortes chutes de pluie, des torrents rendent difficile le passage par ici, et cela descend jusqu'en bas ; même la circulation automobile devient difficile», notera un riverain. En longeant une sorte de mur de soutènement sur lequel est dessiné à l'envers, un grand emblème national, signe d'un attachement indéfectible à cette patrie, on traverse le chemin de wilaya n°2, passage obligé pour rallier la RN27. «A cause des infiltration des eaux souterraines et des glissements qui affectent cette zone depuis des décennies, cette partie de la route ne cesse de se dégrader», nous affirment des habitants de Aouinet El Foul. Pour eux, les autorités ont trop attendu pour trouver une solution définitive à ce problème. Ce qui les a poussés à manifester durant l'été dernier et menacer de fermer la route. Le déplacement des responsables de la mairie de Constantine qui ont constaté sur place l'ampleur des dégâts n'aura pas finalement donné grand-chose, malgré les supputations qui ont suivi cette opération et les annonces de la fermeture de la route de Aouinet El Foul. En définitive, l'APC se contentera encore une fois d'un retapage du plus important tronçon dégradé situé sur une pente tous près de la mosquée El Atik. «C'est mieux que rien, puisque la route est devenue plus praticable qu'avant», nous lance un chauffeur de taxi. Mais cela pourrait-il durer longtemps ? s'interrogent certains.