Lettre ouverte À Monsieur le président du Tribunal de la circonscription de Sidi M'hamed    Hidaoui annonce le lancement de la plate-forme numérique ''Moubadir'' dédiée à l'action bénévole    Lettre ouverte Votre Excellence, Monsieur le président de la République    Assainissement du foncier industriel    Quand l'électricité s'éteint, la colère s'allume    2025, l'année de la colonisation    Yémen : Embrasement régional en perspective    Fermeture des établissements de santé    La CAN et l'opportunité algérienne    Le poids de l'histoire, la pression du présent et la promesse des surprises    La sélection algérienne quitte Alger pour prendre part à la phase finale    MSF alerte sur l'effondrement psychologique en Cisjordanie    Le corps d'un enfant repêché d'une mare d'eau à Ouled Sidi Mihoub    Un homme fauché par une voiture à Merdja Sidi Abed    La célébration au centre d'une réunion préparatoire    Dix-huit spectacles en compétition    Le maître de la musique andalouse Bachir Mazouni anime un concert    Ferhat Mehenni prochainement invité à quitter le territoire français    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les chasses à l'homme s'arrêteront-elles un jour ?
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 24 - 10 - 2013

S'il est une ligne rouge qui traverse toute l'histoire de l'humanité et la découvre dans toute sa cruauté, c'est bien celle, sanglante, de la chasse. La chasse d'une catégorie d'hommes par d'autres hommes. Une catégorie qui change selon les époques, mais qui reste toujours présente dans toutes les sociétés. C'est ce que démontre, dans un livre décisif et terrible, Les chasses à l'homme, un philosophe, Grégoire Chamayou, chercheur à l'Institut Max Planck, à Berlin. Citant tous ceux qui, depuis la Grèce antique, ont été et sont encore victimes de ces chasses — esclaves, hérétiques, Indiens, Noirs, juifs, étrangers, pauvres, ouvriers, clandestins —, l'ouvrage de G. Chamayou analyse, et c'est son intérêt principal, les justifications que les sociétés, par philosophes et savants interposés, ont donné et donnent encore de ces chasses qui s'achèvent le plus souvent par la mise à mort, physique ou sociale, des groupes poursuivis.
L'une des premières justifications de ces chasses réside, pour les Grecs, dans la «nature» de ceux qu'ils réduisent en esclavage. Il y a pour Aristote deux sortes d'hommes : ceux qui commandent et ceux qui sont nés pour être commandés. Sont esclaves «ceux qui sont aussi éloignés des autres hommes qu'un corps l'est d'une âme et une bête sauvage d'un homme». Mais comme ils sont toujours tentés de se révolter et forment, selon l'expression de Platon, «un bétail incommode», il faut continuellement recourir à la force pour les maintenir en sujétion. C'est une autre justification que les catholiques, à l'époque de l'Inquisition, donnent de leurs chasses aux «hérétiques» : c'est parce qu'ils défient Dieu en refusant de reconnaître le pouvoir du Pape qu'ils doivent être «ôtés du monde par la mort», comme le prescrit Saint Thomas.
A la même époque, c'est en prétextant l'infériorité de certaines races que les Européens justifient les chasses aux Indiens et aux Noirs, qu'ils poursuivront pendant quatre siècles. La chasse aux Indiens, «chasse d'asservissement et d'abattage, et qui permit une activité économique de grande envergure», précise Grégoire Chamayou, était aussi «un plaisir et un passe-temps». Des villes entières s'y consacrèrent, qui formèrent des chasseurs et des chiens pour «descendre des Indiens». Lorsqu'ils rapportaient aux autorités les mains coupées de leurs victimes, les colons recevaient une prime. Fiers de leur butin, les Espagnols justifiaient leur activité en citant, outre les philosophes grecs, un philosophe anglais, Bacon, et un lettré espagnol, Juan Ginés de Sépulveda : «Les Indiens sont des gens barbares et inhumains, étrangers à la vie civile et aux coutumes pacifiques».
S'ils refusent «la civilisation», «elle pourra leur être imposée par la force des armes et cette guerre sera juste selon le droit naturel». Une humanité imparfaite, une race inférieure : ce sont d'autres raisons que les Etats invoquèrent pour justifier les chasses aux pauvres dans l'Europe du XVIIe siècle. Certes, l'idée était bien que tous ces malheureux qui erraient dans les villes avaient, de nature, quelques tares, mais leur poursuite et leur enfermement s'expliquaient, officiellement, par leur pouvoir de nuisance : ils volaient et détroussaient les gens de bien. De surcroît, ils risquaient de répandre la peste et de contaminer des cités entières. Les pouvoirs décidèrent donc de les capturer et de les enfermer dans des hôpitaux et des hospices créés à cet effet, et de les faire travailler.
Chaque ville, chaque institution, se dotait de «chasseurs de gueux et de coquins», l'Eglise avait les siens et ses «chasse-pauvres» veillaient à ce que les églises n'hébergent pas les malheureux qui y cherchaient refuge. Cette concentration de pauvres, mal nourris, mal logés et corvéables à merci préfigure, constate Grégoire Chamayou, la naissance du prolétariat : «Ce qui se jouait dans le travail forcé des gueux, c'était la formation physique et morale de ce qui était appelé à devenir le salariat». Un salariat qui, tout au long des XIXe et XXe siècles n'hésita pas à se révolter contre sa condition et déclencha, en représailles, de nombreuses chasses aux ouvriers. L'armée s'associa à la police pour mater leurs révoltes. La «Semaine sanglante», durant la Commune, fit des centaines de morts.
La troupe poursuivit jusque dans les égouts de Paris ceux qui avaient fui la répression sauvage conduite par des généraux qui avaient massacré en Algérie des milliers de résistants. Si les pogroms, en Europe, sont aujourd'hui plus rares (en 1893, des centaines d'Italiens furent massacrés à Aigues-Mortes ; en 1938, des milliers de juifs, lors de la Nuit de cristal organisée par les nazis), les chasses elles-mêmes continuent et sous de multiples formes : multiplication des contrôles au faciès, expulsions, emprisonnements, exclusion sociale de clandestins, condamnés à s'inclure sans aucun droit dans un prolétariat au rabais… Le tout, sous prétexte de sauvegarder l'«identité nationale» et de protéger les citoyens des «gredins et des gueux» à la peau basanée qui viennent «manger leur pain», menacent leur vie et les dépouillent de leurs biens. Droits de l'homme, liberté, démocratie : on peut évidemment en rêver, se battre pour, mais dans l'immédiat, quelle société ne fait pas de la vie de la plupart de ses membres un cauchemar ?


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.