La visite, au mois de novembre prochain, du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, annoncée par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est présentée dans les milieux officiels algériens comme le signe patent de la place respectable qu'occupe l'Algérie dans le concert des nations et aux yeux des superpuissances, comme les Etats-Unis. Alors que les critiques se sont faites de plus en plus virulentes, à l'intérieur du pays, sur la diplomatie algérienne, plus particulièrement durant ce troisième mandat finissant de Bouteflika, la visite attendue dans les prochains jours dans notre pays d'une personnalité américaine de haut rang ne pouvait pas mieux tomber pour le pouvoir. En termes de timing d'abord, puisque intervenant à quelques courts mois de la présidentielle d'avril 2014, ensuite au regard des manœuvres du pouvoir auxquelles on assiste pour un nouveau formatage du système Bouteflika, avec ou sans Bouteflika. Contrevenant à toutes les règles diplomatiques en usage, on s'est empressé au niveau officiel de commenter avant l'heure cet événement, à l'image d'un naufragé guettant un hypothétique sauvetage en présentant, dans une lecture autosuggestive, cette visite comme une caution politique de l'Administration américaine et un soutien à une éventuelle candidature de l'actuel locataire d'El Mouradia. Cela, c'est bien évidemment le côté pile de la médaille. Car le côté face est moins flatteur et peu enclin à encourager un pays comme les USA, qui sait dans quel panier mettre ses œufs, à signer un chèque en blanc à un pouvoir retranché dans sa tour d'ivoire, n'offrant aucune visibilité politique. Aussi bien pour les Algériens que pour les partenaires étrangers, qui en sont à se demander : «Où va l'Algérie ?» à la veille d'une échéance électorale cruciale. Bouteflika, qui a offert aux Américains le pétrole algérien sur un plateau en or massif avec des facilitations comme les compagnies américaines n'en ont jamais connues auparavant, attend de ce puissant partenaire un retour sur investissement (politique) dans une conjoncture où il en a tant besoin alors que les commentaires et les spéculations sur son avenir politique font débat et polémique, particulièrement depuis ses derniers ennuis de santé et les bouleversements géopolitiques intervenus dans le monde arabe. Les conseillers politiques de Bouteflika, qui lui ont soufflé dans l'oreille de jouer cette carte américaine qui a valeur de joker dans la perspective des prochaines joutes électorales, risquent, selon les analystes, de déchanter face à la realpolitik américaine qui a fait la démonstration qu'elle n'a ni amis ni alliés, mais seulement des intérêts qu'elle défend avec froideur et sans état d'âme. Sous le couvert d'une visite diplomatique officielle, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, sera sans aucun doute très impatient de rencontrer dans un face-à-face le président Bouteflika, loin des images virtuelles et des montages servis par la Télévision algérienne pour se faire son propre diagnostic clinique sur les capacités de Bouteflika à briguer un quatrième mandat et sur le processus politique et électoral dans la perspective de la prochaine présidentielle. Big Brother, qui a défrayé cette semaine la chronique avec le scandale de l'espionnage à vaste échelle qui a ciblé ses supposés alliés européens, comme la France, l'Allemagne, l'Espagne, s'invite d'une certaine manière – ou d'une manière certaine – pour la même mission chez Bouteflika.