-Un 3e âge pétrolier tend les bras à l'Algérie. C'est le grand slogan de la semaine dernière. Inauguré par l'annonce d'une méga découverte de pétrole par le ministre de l'Energie himself. Et clôturé par un plaidoyer flamboyant de son principal conseiller annonçant la dominance des énergies fossiles dans le monde et en Algérie pour les 50 prochaines années. Disons-le tout de suite, le FFS s'est brûlé les ailes le week-end dernier. En donnant aux représentants officiels seuls la parole lors de la matinée inaugurale de jeudi dernier. Conséquence, un discours béat d'optimisme sur le potentiel fossile de l'Algérie. Qui a atteint son point d'orgue dans la brillantissime intervention de Ali Hached, un lobbying de haute voltige pour ne surtout pas engager de transition énergétique — nécessairement coûteuse et indécise — au moment où se précise un bel avenir ... pétro-gazier pour l'Algérie avec l'avènement des hydrocarbures non conventionnelles. Le FFS a pris, sous l'impulsion d'un ancien cadre de retour, Mohand Amokrane Cherifi, une méritoire initiative en organisant ce premier débat national sur la «reconstruction d'un consensus énergétique national». Mais la pellicule du film a été fortement imprégnée par le premier flash du jour. Grand potentiel fossile, pas de peak oil mondial dans un proche horizon : le «consensus» est tout trouvé, il n'est même pas à reconstruire, il faut remplacer le fossile conventionnel déclinant par le fossile non conventionnel. Face à ce point de vue depuis toujours aux manettes du secteur de l'énergie en Algérie, les approches alternatives ou tout juste plus nuancées, ont dû se contenter des sessions de rattrapage. Le docteur Abderrahman Mebtoul en charge de parler de la transition énergétique s'est inquiété de savoir comment l'Algérie allait, elle, produire en 2030, 40% de son électricité à partir de sources renouvelable. L'ancien ministre de l'Energie, Nourredine Aït Laoussine, a tiré une conclusion prudentielle du tableau de perspectives de l'industrie pétro-gazière mondiale : préserver les ressources gazières algériennes en modulant les exportations. Cela esquisse un contrepoint de vue, mais ne fait pas pencher la balance dans le débat. Le train du modèle énergétique hyper-carboné et cher est lancé. Le FFS lui a offert, peut-être à son corps défendant, une gare de correspondance, à l'hôtel Marsa de Sidi Fredj. Personne ne l'en blâmera, il fallait bien rendre les idées plus audibles. C'est fait. -En attendant ce 3e âge pétrolier, les nouvelles ne sont pas bonnes. C'est en gros à cela qu'aurait pu ressembler l'amorce d'un contre-discours au modèle énergétique proposé par les autorités du secteur ce week-end. Première mauvaise nouvelle, la demande énergétique domestique s'accroît beaucoup plus vite que le taux de renouvellement des réserves prouvées. Et ce n'est que le début d'une tendance lourde. Que faut-il faire ? Réduire l'intensité énergétique, comme le font depuis 30 ans et de plus en plus vite les pays de l'OCDE. Seul moment où Ali Hached est sorti de son paradigme carboné. Il a déploré que le niveau de 6% du PIB en subventions des produits énergétiques soit insoutenable. Il faut augmenter le prix des carburants. Le gasoil en priorité. C'est la recommandation du premier conseiller du ministre, mais le gouvernement n'a jamais rien proposé de tel dans ses lois de finances depuis 2003. L'Algérie est un des plus grands gaspilleurs mondiaux d'énergie. Et ne bouge pas sur ce front névralgique. Deuxième mauvaise nouvelle, l'offre de gaz conventionnel algérienne, c'est-à-dire celle du gaz qui permet une vraie marge de profit pour Sonatrach et ses associés, est en danger. D'abord sur l'amont. La déplétion de Hassi R'mel s'est accélérée ces deux dernières années. Le plateau de production de 80 milliards de m3 par an (1998-2006) est descendu en dessous des 60 milliards de m3 par an. Ce ne sont pas les nouveaux gisements en développement qui vont compenser la perte. Ensuite sur l'aval. Le marché européen subit la déflation américaine et les excédents d'offres russes et bientôt qataris en GNL. En un mot, la vente de gaz à l'Europe rapportera moins les dix prochaines années en prix et en volume. Troisième mauvaise nouvelle, le potentiel algérien en cours de développement est exagéré par la communication officielle. Dans le cas de la dernière découverte d'un géant à Hassi Toumiet dans le bassin de Amguid Messaoud, le docteur Mebtoul a déclaré : «le ministre de l'Energie a commis un impair» en parlant d'un taux de récupération de 50% sur un gisement de pétrole de sable. Un point de vue que les cadres de Sonatrach, en grand nombre à la convention organisée par le FFS, n'ont «pas combattu». Le consensus énergétique proposé en devient plus limpide. Faire un troisième âge pétrolier avec les ingrédients du second âge, celui des années 1990. Chercher plus loin sur l'immense domaine minier algérien, avec de nouveaux acteurs partenaires, de nouveaux gisements à développer. Sauf que cette fois, nous passons à un autre pétrole et à un autre gaz. Dont l'extraction est un défi en coût et en préjudice environnemental. Ali Hached, dans son élan extatique au profit de l'avenir pétro-gazier algérien, pronostique un bond technologique dans le captage du carbone qui rendra caduc le principal argument contre le développement de l'énergie fossile dans le monde. Sauf dans la pollution par les transports. Qui n'est pas la plus mince. Il voit même, dans ce cas, le retour au fuel pour faire tourner les centrales électriques, là où il a été abandonné. Sur le modèle du retour au charbon pour produire de l'électricité depuis le renchérissement du coût des hydrocarbures. Retour vers le futur en version auto-reverse. Les sources carbonées sont déjà fortement concurrencées dans les modèles de transition énergétiques des pays de l'OCDE. Principalement par les sources renouvelables. Ali Hached, très à l'aise dans le benchmark coût, aurait pu dire un mot sur la compétition en Algérie dans 15 ans entre le kilowattheure d'origine carbone, et le même kilowattheure d'origine solaire concentré. -Mais que fait Sid Ahmed Ferroukhi dans ce gouvernement de bureaucrates ? Il existe un ministre réformateur dans le gouvernement de Abdelmalek Sellal. Je l'ai découvert à l'antenne de Souhila El Hachemi ce dimanche matin. Il est en charge de la pêche et parle comme un ministre social démocrate scandinave qui veut protéger à la fois les fjords et les professionnels de la mer. Dans le jargon de ce ministre, souvent aperçu en tenue de pêche à la télévision, des expressions que redoute la bureaucratie gouvernante : «créer des chemins de facilités pour les acteurs du secteur», «élargir le cadre incitatif pour les investisseurs», «renforcer les aides directes plus faciles à suivre pour l'administration», «décentraliser au niveau local le traitement des dossiers d'investissement dans l'aquaculture pour réduire les délais», «intégrer la filière en impliquant les acteurs», «faire en sorte que les métiers de la pêche récupèrent de la marge et commandent des services à l'industrie». Sid Ahmed Ferroukhi évoque même un appui de la FAO, au moment où son gouvernement boycotte avec «civisme» la coopération avec les organismes multilatéraux, notamment la banque mondiale dans la gestion des projets. Le ministre de la pêche organise cette fin de semaine un premier salon international à Oran dédié à la filière. Espérons qu'il n'appelle pas à un quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Il nous ferait regretter d'en avoir dit autant de bien.