La recommandation sur le pétrole de Goldmann Sachs, le géant de Wall Street, a changé cette semaine. Pour la première fois depuis 2003, si l'on excepte l'épisode de fin 2008 lié au choc des subprimes. Elle n'est plus positive. En un mot, le cycle haussier du brut tire à sa fin. En 2013, les prix seront structurellement plus bas qu'en 2012. Et le rebond n'est pas prévu de sitôt. Cette espace d'analyse a soutenu, en 2006-2007, une prospective inverse. Celle de l'entrée en déplétion des grands gisements dans le monde, de la rareté des hydrocarbures, et de la montée constante des prix sur un cycle décennal. Sur le temps long, elle n'est que partiellement infirmée. L'énergie fossile restera chère. Même en annonçant la fin du cycle haussier, Goldmann Sachs prédit des prix du brut léger autour de 90 dollars à New York en 2013. Ce qui est toujours très haut par rapport aux prix du début du cycle en 2003. Sur la conjoncture des cinq ans, le tassement des prix du brut à partir de l'année prochaine est une évolution «inopinée». Deux origines à cette nouvelle donne. Le booster des émergents s'essouffle. Le dynamisme de la demande asiatique a permis de soutenir les cours depuis 2009. Ce soutien ralentit depuis quelques mois. Sans doute pour longtemps. La crise des pays industrialisés a exporté ses effets récessifs. Mais c'est la seconde explication au retournement de la recommandation de Goldman Sachs sur le pétrole qui est la plus importante. L'offre de brut ne va pas faiblir selon le premier cycle géologique prévu. A cause de l'arrivée en cours du pétrole non conventionnel. Un scénario voisin de celui du marché du gaz naturel. Torpillé dans sa montée par l'arrivée du gaz de schiste en Amérique du Nord d'abord. Dans le reste du monde ensuite. Face à une demande de pétrole qui ira d'ici 2030 décroissante dans les pays avancés pour cause de changement de modèle de consommation énergétique, l'offre de pétrole retarde de quelques années son inexorable déclin. Au prix d'une inflation des coûts. Le pétrole additionnel qui meublera en partie la prochaine décade mobilise plus de moyens technologiques et financiers pour son extraction. Plus encore que les gaz non conventionnels. L'économie carbonée se donne un sursis au prix fort. Ses lobbyistes le savent. Et évitent le débat sur cette question. Pour l'amener sur le seul terrain de la disponibilité des volumes. La prospective énergétique n'a pourtant pas perdu ses constantes. Le confinement du réchauffement climatique devient un enjeu planétaire montant. Le préjudice de l'émission de gaz à effet de serre va être comptabilisé dans le calcul comparé des coûts par source énergétique. Les énergies renouvelables, en particulier après Fukushima, se sont offert un accélérateur d'options. Elles seront économiquement concurrentielles plus vite que prévu. C'est l'autre recommandation que ne dit pas Goldmann Sachs. Et qu'ignore le ministère de l'Energie et des mines. Plus passionné par la prolongation de l'offre carbonée algérienne, avec les gaz de schiste au Sahara, que par la transition de cette offre vers l'électricité solaire. Le projet de centrale solaire de Ouerzazate au Maroc propose un coût du kilowatt-heure déjà au niveau de l'électricité conventionnelle. Un coût – entre 14 et 18 centimes d'euro – qui serait encore plus bas en cas d'hybridation avec le gaz naturel. Une solution naturelle en Algérie. Notamment dans les régions comme le sud-ouest, où les gisements découverts n'ont pas le seuil commercial pour investir dans le transport par gazoduc. Le gouvernement algérien a réussi le tour de force d'éclipser un débat essentiel sur la transition énergétique par un débat accessoire sur le futur schisteux de l'offre de gaz algérien. Les dégâts n'en sont pas négligeables. A Oran, où s'est tenue la semaine dernière la 3e édition du salon ERA dédié aux énergies renouvelables et aux métiers verts, l'enthousiasme des porteurs de projets était égal à leur désorientation. Avec des prix domestiques scandaleusement bas de l'énergie fossile, ils ont le sentiment que le décollage du solaire, notamment, n'est pas à l'ordre du jour. Officiellement, l'Algérie veut produire à 2030, 22 000 mégawatts d'électricité renouvelable dont, 10 000 réservés à l'exportation. L'Europe veut importer 15% de sa consommation d'électricité en renouvelable en 2050. Les deux démarches ont tout pour s'imbriquer. Comme à Ouarzazate. Dans les faits, les décideurs du secteur de l'énergie algérien préfèrent chevaucher la troisième ère de l'énergie fossile. Celle du pétrole et du gaz non conventionnels. Même l'Arabie Saoudite, importateur net de pétrole en 2030, n'en fait pas sa priorité. L'opérateur à Ouarzazate est saoudien.