La situation du secteur des hydrocarbures libyen n'est pas près de se stabiliser. Après le pétrole dont la production a baissé considérablement, de 1,6 million de barils par jour à environ 300 000 barils, c'est au tour de la production de gaz naturel de subir les effets de l'instabilité politique. Au mois d'août déjà, la production du pétrole libyen avait déjà reculé à environ 500 000 barils/jour selon les statistiques de l'OPEP ; en septembre, elle avait baissé à 400 000 barils/jour selon la même source. Au début de ce mois de novembre, un officiel libyen avait reconnu que la production de pétrole avait chuté à 250 000 barils/jour, un recul dû aux actions de sabotage, au blocage des terminaux pétroliers par les groupes armés et aux manifestations de protestation des travailleurs du secteur pétrolier. Cette baisse de la production et, partant, des exportations aurait déjà coûté 6 milliards de dollars à la Libye, selon des sources officielles. Auparavant le secteur du gaz n'avait pas été touché ; la production de gaz naturel est destinée à alimenter les centrales électriques locales et une bonne partie est exportée vers l'Italie. Mais depuis quelques jours, ce secteur est visé par les protestataires. Lundi dernier, les exportations vers l'Italie ont été interrompues après des manifestations sur le site du terminal gazier de Millitah. Après un sit-in organisé par le mouvement amazigh libyen il y a une dizaine de jours, la manifestation a évolué et le robinet qui alimente le Greenstream, le gazoduc qui relie la Libye à l'Italie via la Sicile, a été fermé par les manifestants. Le volume exporté était de 17 millions de mètres cubes par jour de gaz naturel. En 2012, la Libye a exporté 6,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel vers l'Italie. Au mois de mars dernier, les exportations de gaz naturel avaient été interrompues durant quelques jours à la suite d'affrontements entre groupes armés. Toutefois, cet arrêt n'avait pas perturbé l'approvisionnement de l'Italie vu la disponibilité du gaz naturel en provenance d'Algérie ou de Russie. Cette instabilité dont sont victimes les secteurs du pétrole et du gaz libyens fait craindre le pire pour un pays qui risque de vivre une grave crise financière dans quelques mois vu que les exportations d'hydrocarbures constituent la source de revenus. Au-delà de l'effet sur le prix du pétrole sur le marché – le manque de pétrole libyen porte le brent au-dessus des 100 dollars le baril – il y a l'effet sur les installations de production et sur la présence des compagnies internationales. La Libye vit déjà un air de guerre civile surtout avec les projets développés par les groupes armés qui affichent ouvertement leur volonté de contrôler le pouvoir en refusant l'autorité du gouvernement. La lutte pour le pouvoir se déroule sur le champ de cette richesse nationale constituée par le pétrole et le gaz naturel. En Cyrénaïque, à l'est, les groupes armés ont annoncé la création de leur propre compagnie pétrolière après avoir proclamé leur autonomie avec comme capitale Benghazi et des informations font état d'exportations de pétrole en dehors du circuit officiel. Les groupes armés du Fezzan, dans le Sud réclament aussi leur autonomie.