En somme, on avait perdu notre qualité de fonction supérieure de l'Etat et l'intégration aux catégories hors échelle initiale (la AI) et tout cela pour des broutilles, un gain de 360 points indiciaires exactement. Non seulement, on avait largement perdu au change, mais « on avait lâché la proie pour l'ombre ». Car tous ces textes réglementaires, parus dans le même numéro, dont on s'était bien gardé d'assurer une large publicité, se contentant de la stricte publication au Journal officiel, nous ont porté un préjudice d'autant plus considérable qu'ils se prêtaient à toutes les lectures possibles, et qu'à la limite, on pouvait leur faire dire ce qu'on voulait, a fortiori dans l'opacité et la discrétion la plus totale. En les réévaluant très nettement à la hausse et donc en nous repositionnant très en deçà du seuil liminaire de ces catégories hors échelles de la Fonction publique, il ne nous assurait plus qu'un simple positionnement indiciaire purement virtuel et fictif, dans un « no man's land statutaire », dans la mesure où nous ne figurions plus sur aucune des trois classifications régissant la Fonction publique, mais seulement sur une grille spéciale, aménagée pour la circonstance, sorte de compromis fourré en marge de la légalité institutionnelle et de l'orthodoxie administrative, ayant signification d'expédient temporaire, bien que tendant à s'installer dans la durée, discréditant et décrédibilisant d'autant l'institution qui l'a initiée. Et cela, dans la mesure où tout fonctionnaire doit normalement figurer dans une des trois classifications officielles de la Fonction publique, ce qui constitue un droit pour le fonctionnaire, mais également une obligation pour l'administration de la Fonction publique. Les trois classifications de la Fonction publique, ont été respectivement définies et codifiées par : Le décret n°85 59 du 23 mars 1985 portant statut type des travailleurs des institutions et administrations publiques et instituant les catégories 1 à 20 ; le décret n°86 179 du 5 août 1986 relatif à la sous-classification des postes supérieurs de certains organismes employeurs et instituant 3 catégories (la A avec 4 sections, la B avec 3 sections et la C avec 2 sections) ; le décret n°02 322 du 16 octobre 2002 fixant le mode de rémunération applicable aux travailleurs exerçant des fonctions supérieurs de l'Etat et instituant 7 catégories de A à G avec chacune 2 sections. Or, non seulement nous ne sommes pas classés, mais nous avons été « grillés », devenant ainsi, en quelque sorte, les orphelins de la Fonction publique algérienne et cela d'octobre 2002 à ce jour. Au-delà de la frustration légitime et de la déception, cela peut être considéré comme une injustice flagrante, une de plus, à l'égard des praticiens hospitalo-universitaires du plus haut rang, authentiques représentants de la seule élite dont peut s'enorgueillir le pays, celle de l'esprit. Ce qui est encore plus navrant, c'est qu'on a pris prétexte de ces textes réglementaires d'octobre 2002, pour nous refuser le fameux prêt véhicule. En effet, un décret exécutif (n°03-178 du 5 avril 2003 fixant les conditions d'acquisition et d'utilisation de véhicule personnel pour les besoins du service) a permis aux « cadres » de I'Etat de bénéficier d'un prêt véhicule, d'un montant de 800 000 DA, non seulement sans intérêt, mais également assorti d'une prime de 8000 DA sur les 9000 DA que le bénéficiaire devra rembourser mensuellement pendant 7 ans, sous réserve de l'utilisation du véhicule personnel pour les besoins du service. La nomination par décret n'étant pas un prérequis ni même la figuration dans la nomenclature des fonctions supérieures de l'Etat (décret n°90 225 du 25 juillet 1990, décret exécutif n°90 227 du 25 juillet 1990 et décret exécutif n°91 86 du 6 avril 1991 complétant le précédent, tous fixant la liste des fonctions supérieures de l'Etat au titre de l'administration, des institutions et organismes publics) dans la mesure où des directeurs chefs d'établissements sanitaires, nommés par simple arrêté ministériel en ont été bénéficiaires, la seule condition exigée, étant d'avoir un positionnement indiciaire égal ou supérieur à 794. la qualité de « cadre » de l'Etat n'étant pas rigoureusement déterminée ni même définie par les textes réglementaires, celle-ci a été fixée de façon conventionnelle, sur la base d'un positionnement indiciaire servant de repère. Un professeur, chef de service par exemple, positionné à l'indice 1280 et plus, en a pourtant été écarté. L'activité complémentaire Dans nombre de pays, aussi bien parmi les plus nantis que les autres, l'Etat, outre qu'il assure des salaires plus que satisfaisants aux professeurs en médecine, leur accorde en sus le droit d'exercer à titre privé et lucratif, dans le cadre d'un plein temps aménagé. Cela s'est fait dans le but évident de retenir dans le service public les meilleures compétences qui, sans cela, seraient tentées d'aller négocier leurs services dans le privé, autrement plus attractif et rémunérateur ! L'activité complémentaire a constitué l'une des premières revendications de notre syndicat, pratiquement dès sa création en 1989 en tant qu'association d'abord, puis en tant que syndicat dès le 24 novembre 1991. Avec l'activité complémentaire, on avait demandé la possibilité pour les professeurs d'exercer dans le secteur libéral au-delà des heures légales de travail, du fait de l'indigence des salaires servis à cette catégorie de praticiens d'élite. Ce ne fut pas chose aisée, mais on a pu quand même bénéficier de mesures dérogatoires par voie légale. Néanmoins, deux innovations majeures ont été introduites. D'abord, le bénéfice de cette mesure était étendu aux autres corps de praticiens, mais surtout, il ne s'agissait plus d'une véritable activité complémentaire, bien que la désignation soit maintenue, mais d'un authentique plein temps aménagé. C'est d'ailleurs pour cela qu'on avait demandé une prime de « non clientèle » pour les praticiens qui s'y abstenaient et donc exerçaient deux après-midi de plus que les autres. Faute d'activité complémentaire proprement dite, c'est-à-dire la possibilité d'exercer dans le privé, librement, en dehors des heures de travail, sans contrainte aucune, l'administration du ministère de la Santé avait alors initié un projet de loi qui dérogeait aux dispositions de la loi de février 1985, laquelle ne reconnaissent que deux régimes d'exercice de la médecine, le public intégral et le privé intégral, exclusifs l'un de l'autre. Cette loi adoptée par le Parlement en 1998 (loi n°9809 du 19 août 1998 modifiant et complétant la loi n°85 05 du 16 février 1985) outre qu'elle ne nous consentait en fait, qu'un plein temps aménagé, avait été également élargie au bénéfice d'autres corps de praticiens. Puis à la faveur d'un changement à la tête du département, cette même administration de partisan convaincu s'est muée en adversaire déclaré de l'activité complémentaire et sera à l'origine du décret exécutif de 2002, dont le fameux article 4 bis stipulait l'incompatibilité de celle-ci avec les responsabilités de chefferie de service ou d'unité. Quoiqu'il en soit, ce décret exécutif, dont on avait eu vent de la teneur dès janvier 2002 alors qu'il ne sera promulgué qu'en août 2002, en introduisant une clause supplémentaire, limite le champ d'application de la loi. En effet, le fameux article 4 bis stipule que « l'activité complémentaire est incompatible avec la chefferie de service ou d'unité ». C'est-à-dire qu'on ne permettait plus aux professeurs, chefs de service ce qu'on permettait aux autres. En d'autres termes, ceux qui étaient les uniques bénéficiaires sous des cieux plus cléments en étaient ici les uniques exclus. Suite à la pression du syndicat, on avait alors donné son accord pour le gel de son application, moyennant une solution de compromis proposée par nos soins. Après un accord bilatéral sur une position de compromis conciliant les dispositions légales et réglementaires, les mesures consenties aux praticiens concernés et surtout les exigences de la tutelle relatives à la continuité du service public, ainsi qu'à l'exercice plein et entier de la responsabilité et des prérogatives de ces postes supérieurs, on avait convenu de la possibilité pour les professeurs chefs de service de pouvoir exercer à titre privé, 2 fois par semaine comme les y autorise la loi, mais au-delà des heures légales, de travail, c'est-à-dire après 16 h. Depuis, on n'a pas trouvé mieux que de se rétracter et renier un engagement officiel pris devant une commission mixte, administrative et représentative et en désavouant cet accord officieux. En catimini, on avait donné instruction à l'administration pour une application discrète, prudente et graduelle, avec un traitement sélectif « à la carte », au cas par cas, établissant ainsi de fait, une discrimination entre les praticiens, dans la mesure où certains « privilégiés » bénéficiaient d'autorisations nominatives, soit disant du fait de leur implication dans des activités de pointe ou de prestige. Peu de temps après, à l'occasion d'un autre changement à la tête du département, on avait nourri quelque espoir de voir les choses rentrer dans l'ordre, d'autant que la personne en charge des affaires était annoncée comme un adepte de l'activité privée, lucrative. Mais rien n'y fait, puisque ce monsieur, littéralement polarisé sur le dossier du médicament, dont il avait fait pratiquement son centre d'intérêt prévalent, se déchargera de tout le reste sur des collaborateurs qu'il avait pris soin de coopter personnellement. C'est ainsi qu'il a confié l'avant-projet de loi sanitaire, initié par son prédécesseur à un cabinet noir constitué exclusivement d'administrateurs de santé, qui a bâclé en deux temps trois mesures, le dossier, non sans avoir pris soin au préalable de conforter la position de leur corporation, au détriment des hospitalo universitaires de rang magistral, privés tout simplement du bénéfice de l'activité complémentaire, de même qu'il n'y a pas eu prise en considération de leur demande de révision des statuts des établissements de santé. En conséquence, en l'état actuel des choses, l'acquis précieux, car stratégique que constitue l'activité complémentaire, est non seulement menacé par le décret exécutif n°02256 du 3 août 2002 modifiant et complétant le décret exécutif n°99 236 du 19 octobre 1999 fixant les modalités d'application des dispositions de l'article 201 de la loi n°85 05 du 16 février 1985, mais également par la loi sanitaire elle-même. Cela aurait été décidé semble-t-il, du fait qu'une infime minorité de confrères, tous grades et corps confondus et particulièrement à l'intérieur du pays, s'adonneraient à des pratiques indignes et condamnables. En fait, ce n'est pas parce qu'une poignée de praticiens indélicats, que la corporation a toujours reniés, s'adonnent au trabendo qui a fini par gagner malheureusement la médecine, après avoir prospéré partout ailleurs, qu'il « faut mettre tout le monde dans le même sac », jeter le discrédit sur une honorable corporation et priver de nombreux praticiens de la possibilité d'améliorer honnêtement leur standing social, tout en rendant service à la population et en desserrant l'étau autour du service public. Au lieu de recourir à cet argument d'autorité de la pire espèce et à la coercition que cela suppose, il aurait été plus avisé de mettre en place un système de mesures incitatives autrement plus attractives et persuasives. A cet égard, pour ce qui relève de l'enseignement supérieur, il serait plus judicieux et opportun : De procéder à un réajustement du positionnement catégoriel, celui de la catégorie G des catégories hors échelle de la fonction publique ; d'inclure la prime de rendement dans le salaire et de la majorer (avec une partie fixe et une partie variable) ; d'instituer une prime de recherche fixe, intégrée au salaire, avec une partie fixe et une autre variable. Alors que pour la santé publique, il conviendrait de la même façon : De revaloriser l'indemnité hospitalière ou indemnité spécifique globale qui est actuellement d'un montant dérisoire, en comparaison du volume de nos activités de santé publique qui constituent le plus clair de notre temps de travail ; et d'augmenter quelque peu la 2e colonne de la prime d'intéressement, à savoir celle du taux de réalisation des objectifs plafonnés au taux ridiculement bas de 30%, qui ne saurait descendre en deçà des 60% pour ce qui est de la partie fixe commune et du gradient différentiel restant des 40%. Ainsi que de généraliser l'octroi de la prime de risque de contagion, cumulable avec la prime d'intéressement. En conclusion et pour résumer, une augmentation des salaires, outre qu'elle est légitime, possible et nécessaire du fait que même si elle découle d'une croissance dérivant en droite ligne du secteur des hydrocarbures, ce dernier n'a de raison d'être qu'intégré dans la totalité holistique de l'économie globale qui le conditionne et le conforte, outre également qu'elle constitue une judicieuse affectation de l'excédent dégagé du fruit de cette croissance et qu'elle permet d'engranger des dividendes politiques en préservant la paix sociale et en atténuant un tant soit peu le sentiment d'injustice sociale, est censée en principe, théorique tout au moins, tendre même insensiblement, à : Augmenter la consommation et donc la productivité et favoriser l'investissement, en augmentant les parts de marché des biens de consommation ; diminuer les dépenses de santé ; réduire la facture des frais de remboursement de la sécurité sociale ; diminuer le manque à gagner du fait de l'absentéisme au travail ; réduire la corruption et la fraude fiscale et le manque à gagner pour le Trésor public ; permettre de réparer les effets néfastes de la dévaluation et de l'inflation, d'atténuer et d'amortir la baisse effective des salaires et la réduction du pouvoir d'achat ; baisser l'agressivité du citoyen par une atténuation des frustrations et donc moins de violences, de conduites déviantes, d'insécurité et d'émeutes et l'épargne des frais de toutes sortes y découlant. (*) Professeur - chef de service à l'hôpital psychiatrique Drid Hocine de Kouba