En Algérie, il suffit juste de quelques gouttes de pluie pour que les prix des fruits et légumes s'envolent. Les consommateurs se trouvent ainsi pénalisés à chaque période hivernale. Si certains intervenants dans la chaîne du marché expliquent cette flambée par les dernières pluies qui ont freiné, selon eux, la récolte, pour l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) et des experts le problème est ailleurs. Il est notamment dans l'absence de régulation des circuits commerciaux et d'une véritable stratégie agricole en Algérie. Le porte-parole de l'UGCAA, Hadj Tahar Boulenouar, explique cette hausse par trois facteurs essentiels. Il en est ainsi, d'après lui, de l'insuffisance de la production par rapport à l'offre. «Le marché des fruits et légumes est déficitaire de 30%, surtout pendant les intempéries, car les agriculteurs ne peuvent pas récolter leurs produits», a-t-il indiqué, hier, lors d'une conférence de presse animée en son siège, à Belouizdad, à Alger. «Le second facteur est, a-t-il dit, le manque et la désorganisation de la gestion des chambres froides pour garantir une stabilité dans l'approvisionnement, car la stabilité dans l'approvisionnement, garantit la stabilité des prix.» Hadj Tahar Boulenouar a évoqué en outre l'absence de marchés de proximité et de détail, ce qui fait que la différence entre le prix de gros et le détail est estimé entre 50 et 100%. A ce titre, il n'a d'ailleurs pas omis de déplorer le retard que connaît la réalisation du programme présidentiel, annoncé en 2009, de construction de 30 marchés de gros, de 800 autres marchés de détail et de plus de 1000 de proximité. Hadj Tahar Boulenouar, qui n'écarte pas une augmentation des prix de la pomme de terre et des oignons durant les prochains jours, a mis en avant comme facteur aggravant de cette situation le fait que «les paysans ne sont pas orientés et qu'il y a absence de coordination entre les institutions et les organismes concernés». Absence de stratégie agricole Akli Moussouni, expert en développement agricole, présent à cette conférence, a expliqué cette situation inflationniste carrément par un manque de vision agricole des pouvoirs publics. «On attribue à tort les effets du climat par rapport à l'argument des prix alors que c'est la mauvaise gestion du secteur agricole qui est à l'origine de cette situation, sachant que le climat en Algérie est tout. Toutefois, on ne peut pratiquer n'importe quelle culture à tout moment et partout, sachant que les conditions climatiques sont spécifiques à chaque région du pays», a-t-il souligné. Catégorique, ce professionnel juge, d'une part, qu'«on n'a pas à adapter notre système de culture aux conditions climatiques du pays». Et d'autre part, toujours d'après lui, «cette situation de l'agriculture pratiquée au gré du hasard favorise en même temps tous les effets négatifs, à savoir les attaques parasitaires, les maladies et les effets de la température qui génèrent une dégradation des cultures, notamment les effets dévastateurs de la mouche de l'olive qui a dilapidé 80 à 95% de la production d'olives, et la tuberculose, le feu bactérien par rapport aux pommiers». Plus explicite, Akli Moussouni estime que «notre agriculture est fragilisée par un manque d'encadrement, d'absence de stratégie de planification et des coûts incontrôlables des entrants dans le marché national». Ainsi, pour lui «ce sont autant de facteurs qui contribuent à la fluctuation des prix dont la tendance à la hausse et très dominante (olives, courgette, haricots, pomme de terre)». Selon notre expert, la solution durable réside à trois niveaux. Akli Moussouni préconise «la mise en place d'un mécanisme de développement universel, la construction d'un marché normalisé, le rationnement du soutien de l'Etat pour les objectifs de développement précis et la valorisation des territoires et des produits du terroir en passant par le recyclage des sous-produits et la certification des semences et plants». Pour lui, «pour un secteur industriel agroalimentaire performant, il faut satisfaire les contingents européens accordés à l'Algérie dans le cadre des accords d'association». Cette dernière démarche, d'après lui, peut constituer un levier économique indispensable pour réintroduire l'agriculture algérienne dans le contexte mondial.