Pour pouvoir boucler le budget de l'année 2014, le gouvernement français n'aura pas manqué de créativité pour collecter les ressources fiscales nécessaires au moyen de nouveaux impôts. L'impôt sur l'Excédent brut d'exploitation (EBE) était, entre autres, une des voies envisagées pour engranger les 2,5 milliards d'euros nécessaires à la réduction du déficit budgétaire de l'Etat français. Il aura fallu l'opposition bien marquée des associations patronales et des positions très critiques des partis politiques pour que cet impôt soit finalement retiré du projet de loi de finances pour 2014. Pour la plupart des chefs d'entreprise français, imposer l'Excédent brut d'exploitation aurait été un non-sens, car outre qu'il n'aurait pas empêché l'imposition des bénéfices, il en aurait augmenté le taux effectif sur une très large population d'entreprises. Par ailleurs, la principale critique adressée à ce projet est qu'un impôt sur l'Excédent brut d'exploitation aurait pénalisé l'investissement. L'Excédent brut d'exploitation désigné souvent par EBITDA est dans l'arborescence du calcul du résultat d'une entreprise, sa marge bénéficiaire, après déduction des coûts opératoires mais avant la déduction des intérêts, des taxes, des provisions et des amortissements. Ainsi, le projet de la Taxe sur l'EBE considérait l'imposition du résultat au niveau où un grand nombre de charges non opérationnelles, mais certaines et exigibles, auraient été ignorées et plus particulièrement la couverture des amortissements censés être réservés au renouvellement des investissements. Les détracteurs de cet impôt ont argumenté qu'il est pénalisant pour des entreprises à marge d'exploitation positive, mais déficitaires en raison des charges financières ou des amortissements, d'autant que les reports déficitaires, sans être limités dans le temps, sont soumis à des limites de montants, faisant qu'il n'est pas toujours possible de reporter l'intégralité des pertes sur l'année suivante. Face à ces arguments, un ajustement du projet a considéré que ce nouvel impôt ne taxe pas l'investissement et que le curseur de la base imposable soit pointé au prochain rang : celui du Résultat Net d' Exploitation. Dans ce cas, le Résultat Net d'Exploitation (ENE) aurait considéré la déduction des amortissements mais pas celle de la charge d'intérêt, ni celle des taxes. En contre-argument sur les conséquences de la Taxe sur l'EBE, une taxe sur l'ENE n'aurait pas pénalisé les résultats disponibles pour le remboursement des emprunts et des intérêts, pour l'impôt sur le bénéfice et enfin la rémunération des capitaux par les dividendes. Finalement, le projet a totalement été abandonné sous la vive contestation du patronat, mais comme le besoin en ressources ne s'élimine pas pour autant, le dispositif qui devait rapporter 2,5 milliards d'euros à l'Etat français devrait être remplacé par «une surtaxe temporaire sur l'impôt sur les sociétés», dans l'attente de la tenue, dans les mois à venir, des «assises de la fiscalité des entreprises». Augmenter l'impôt et nouvelle taxe Psychologiquement, la pression fiscale est amplifiée mais le fait d'augmenter l'impôt sur le bénéfice est perçu de moindre impact que celui d'une nouvelle taxe. C'est en 2011 qu'une contribution exceptionnelle assise sur les bénéfices des sociétés réalisant plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires a été instituée au taux de 5% du montant de l'impôt sur les sociétés. C'est donc le taux de cette contribution exceptionnelle qui devrait passer de 5% à 10,7%, si le projet de loi de finances pour 2014 est voté pour permettre au gouvernement français de réduire le déficit public à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cette mesure concernera forcément les grandes entreprises et dans cette succession de propositions et d'hésitations du gouvernement français, les critiques sont évidemment déjà portées quant au sort jeté à ces entreprises par le manque de stimulation pour la relance de l'économie. Pour simplifier, le taux de l'impôt sur les sociétés passerait de 33,33 % du bénéfice à près de 38% puisqu'il est déjà majoré d'une contribution sociale de 3,3% et de la contribution exceptionnelle de 5% qui devrait doubler avec la surtaxe envisagée. Avec l'annonce des assises de la fiscalité, il était effectivement plus prudent de ne pas instituer un nouvel impôt, mais les animateurs de ces assises doivent se préparer à convaincre les grandes entreprises, à un moment où l'annonce était faite qu'un projet de réduction du taux de l'impôt sur les bénéfices était à l'étude. Pour l'heure, les PME sont épargnées et le spectre de confort psychologique est forcément plus large. Il reste que ce recours à une surtaxe provisoire pour deux ans fait que la France appliquera le taux de l'impôt sur les bénéfices le plus élevé d'Europe et qu'elle pourrait être mise à l'index par la commission européenne. L'adage selon lequel trop d'impôt tue l'impôt trouve tout son sens dans ces problématiques de réduction des déficits budgétaires et les prochaines assises de la fiscalité auront un calendrier bien chargé si les composants de la fiscalité devaient être reconsidérés, d'autant que les syndicats ouvriers commencent à porter le message que la réflexion sur la fiscalité ne devrait pas se limiter aux seules entreprises. C'est finalement à envier les économies à fiscalité stable et à moindres taux «en suivant le regard». Le particularisme fiscal algérien Si psychologiquement la pression fiscale est acceptable en Algérie, les problématiques de collecte de l'impôt sont différentes. Chaque pays ayant ses propres maux, le décor algérien présente ses particularités, notamment celle de l'économie informelle et d'une bienveillance de «Mère Nature». Si en première lecture le régime fiscal applicable aux entreprises est conçu pour stimuler l'investissement, notamment pour les jeunes promoteurs, il reste fondamental qu'une vision de long terme doit engager ces jeunes entrepreneurs à titre de promoteurs du développement et de contribuables du futur sans que la pression fiscale ne les amène à ralentir l'initiative de l'investissement. Pour les grandes entreprises qui sont déjà en scène, elles doivent se réjouir que nos législateurs ne s'inspirent pas des lexiques de fiscalité appliqués chez nos voisins français !