Si la loi de finances pour 2012 est innovante avec l'introduction du rescrit fiscal(1), les autres mesures ont plus trait à des nivellements et à des ajustements de principes et de procédures, toujours dans l'esprit de favoriser la croissance, ou du moins de ne pas la pénaliser dans un environnement déjà bien contraignant. Publiée au Journal officiel n° 72 du 29 décembre 2011, la loi de finances pour 2012 apporte les modifications au code des impôts directs, notamment avec des mesures de simplification et d'harmonie des textes. Les résultats en instance d'affectation imposés dès leur mise en paiement effectif Il faut remonter à un peu plus de deux décennies pour retrouver l'origine d'une mesure qui avait été mise en place pour déjouer un comportement selon lequel les associés ou actionnaires de sociétés privées s'abstenaient de procéder à des distributions de bénéfices pour éviter des impositions au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. C'est pour contrer cette attitude qui n'activait pas l'impôt sur le revenu des personnes détenant des parts ou actions dans des sociétés, que le code des impôts directs et taxes assimilées avait inclus dans son article 46, traitant des revenus considérés comme distribués et donc imposables à l'Impôt sur le revenu global (IRG), un alinéa 8 pour taxer les résultats en instance d'affectation des sociétés, n'ayant pas, dans un délai de trois ans, fait l'objet d'affectation au fonds social de l'entreprise(2). Dès lors, les associés ou actionnaires de sociétés privées se trouvaient obligés à composer avec cette mesure et à gérer un encours de résultats en instance d'affectation en fonction de l'antériorité des bénéfices. Dans la pratique, cette mesure présentait une difficulté d'application lorsque les associés ou les actionnaires étaient des personnes morales, car une application stricte de cette disposition n'aurait dû s'appliquer qu'aux personnes physiques titulaires des revenus issus de valeurs mobilières, d'autant que les revenus de valeurs mobilières détenus par des personnes morales résidentes ne sont pas soumis à un impôt au moment de la distribution des dividendes. Dans la nouvelle rédaction de l'article 46, l'alinéa 8) portant taxation des résultats en instance d'affectation disparaît, ou plus exactement cède sa place à ce qui était le 9e alinéa et qui devient un huitième alinéa ayant désormais pour objet l'imposition des bénéfices transférés à une société étrangère non résidente par sa succursale établie en Algérie ou toute autre installation professionnelle dotée de la personnalité fiscale. Pour ce qui concerne l'entrée en vigueur de cette disposition, il y a lieu de se référer au principe selon lequel la loi de finances régit la perception des impôts et taxes dans les termes publiés. Conséquemment, l'année 2009 constitue l'année charnière pour l'application de cette mesure, car les résultats dont l'antériorité remonte à 2008 sont réputés avoir été distribués en 2011 sous l'ancienne législation. Le régime particulier de l'imposition des groupes, au sens fiscal, plus attractif Ce régime a pour objet de permettre l'imposition d'un résultat consolidé au niveau d'un groupe de sociétés, lorsque ces dernières sont forcément des sociétés par actions – à deux ou plus – juridiquement indépendantes, sous condition que la société mère détienne au moins 90% du capital social des sociétés membres qui sont sous sa dépendance, les participations croisées étant exclues.L'ancienne rédaction de l'article 138 bis du code des impôts directs et taxes assimilées excluait d'office, du périmètre de la consolidation fiscale, les sociétés qui réalisaient deux déficits consécutifs pendant la mise en œuvre du régime particulier de la consolidation fiscale. Comme la consolidation s'exerce par option de la société mère avec l'acceptation par l'ensemble des sociétés membres, pour une période irrévocable pour une durée de quatre ans, ce régime particulier s'est trouvé plus pénalisant dès lors qu'une société du périmètre réalisait un déficit entrainant l'exclusion du périmètre de consolidation. Or l'attractivité d'un tel régime au plan fiscal est justement dans le faire-valoir des déficits des sociétés qui font partie du périmètre de consolidation.La nouvelle rédaction de l'article 138 bis ne reprend plus l'exclusion des sociétés consolidées déficitaires, les seules conditions restantes étant celle de la forme des sociétés (sociétés par actions) et la détention d'une majorité minimum de 90% par la société mère. Au-delà de la déduction des déficits dans la détermination du résultat consolidé du Groupe, au sens fiscal, d'anciennes mesures trouveront une meilleure application comme : - l'exclusion de la base taxable à la Taxe sur l'activité professionnelle(3) (TAP) pour les opérations réalisées entre les sociétés membres relevant d'un même groupe, tel que défini par l'article 138 bis du code des impôts directs et taxes assimilées ; - l'exonération de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les mêmes opérations.(4) En effet, lorsque les sociétés déficitaires étaient exclues de la notion de Groupe, les livraisons intragroupes se trouvaient soumises à la TAP et à la TVA induisant des coûts additionnels et des mobilisations de trésorerie pour les TVA à récupérer. Il faut espérer que cet aménagement sera structurant pour les entreprises qui pratiqueront la consolidation fiscale et que dans un proche avenir, le législateur adaptera la législation pour étendre la consolidation à d'autres formes de sociétés, notamment les sociétés à responsabilité limitée.Le fait générateur de la TAP est aménagé à l'avantage des entreprises dont le cycle d'exploitation est dépendant de l'encaissement de la vente. La taxe sur l'activité professionnelle perçue au taux de 2%, avec ou sans abattement, selon le cas, taxe les chiffres d'affaires réalisés en Algérie par les contribuables qui exercent une activité dont les profits relèvent de l'impôt sur le revenu global, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Elle fait partie des impositions directes perçues au profit des collectivités locales et justifie de la sorte sa perception par la recette des impôts du lieu de la réalisation du chiffre d'affaires. Sous l'ancienne rédaction de l'article 217 du code des impôts directs et taxes assimilées, le fait générateur pour la TAP était implicitement considéré comme le chiffre d'affaires facturé à l'exception des unités des entreprises de travaux publics et de bâtiments, pour lesquelles le chiffre d'affaires est constitué par le montant des encaissements de l'exercice. Cette exception, pour les seules entreprises de travaux publics et de bâtiments, résultait d'un alignement du fait générateur de la TAP sur celui de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) régie par un code distinct : le code des taxes sur le chiffre d'affaires. Or, ce dernier prévoit que le fait générateur de la TVA est l'encaissement total ou partiel du prix pour les travaux immobiliers(5) ainsi que pour les prestations de services(6). L'alignement n'était pas parfait pour ce qui concerne les prestations de services qui étaient soumises à la TVA sur la base des encaissements alors que la TAP devait être liquidée à la facturation. La loi de finances pour 2012 étend le fait générateur de la TAP à l'encaissement comme le prévoit déjà le code des taxes sur le chiffre d'affaires pour ce qui concerne les prestations de services, en créant un article 221 bis sous une nouvelle section 2 bis intitulée ‘Fait générateur' au sein du titre III de la seconde partie du code des impôts directs. L'article 221 bis établit ainsi que le fait générateur de la TAP est constitué : • pour les ventes, par la livraison juridique ou matérielle de la marchandise ; • pour les travaux immobiliers et les prestations de services, par l'encaissement total ou partiel du prix. On aurait pu penser qu'avec cette nouvelle disposition, la rédaction de l'article 217, qui porte sur le champ d'application de la TAP, soit conséquemment révisée pour l'exception portée à la définition du chiffre d'affaires des entreprises de travaux publics et de bâtiments.Ce qui n'est pas le cas. L'article 217 reste avec sa rédaction initiale qui pose également, dans la pratique, des problèmes d'interprétation quant à la signification du concept de recettes pour définir le chiffre d'affaires réalisé sur toutes opérations de vente, de service ou autres. Sans doute des lois de finances à venir affineront cet aspect et pourquoi pas étendront l'alignement du fait générateur de la TAP sur l'encaissement partiel ou total du prix à d'autres opérations déjà prévues en matière de TVA mais non encore appliqués à la TAP comme notamment(7) : • la vente de l'eau potable par les organismes distributeurs ; ou les ventes réalisées dans le cadre de marchés publics dans la limite d'une année. Au plan pratique, les entreprises prestataires de services pourront appliquer cette disposition dès leur première facturation de l'exercice 2012 en ne payant la TAP qu'à l'encaissement partiel ou total, les facturations de l'exercice 2011 étant réputées toutes déjà déclarées sur l'exercice 2011. Autres mesures d'importance en fiscalité directe La loi de finances pour 2010, en modifiant l'article 104 du code des impôts directs et taxes assimilées, a prévu l'imposition des revenus réalisés par les contribuables relevant du régime simplifié ainsi que ceux soumis au régime de la déclaration contrôlée (bénéfices non commerciaux) au lieu de l'activité. L'article 8 du même code qui traite du lieu d'imposition est mis en harmonie avec la disposition de loi de finances pour 2010 pour retenir comme lieu d'imposition celui de l'exercice de l'activité ou de la profession, y compris les revenus des associés de sociétés de personnes et des sociétés en participation. La fiscalité des loyers est modifiée par la loi de finances pour 2012 qui apporte une nouvelle rédaction de l'article 42 du code des impôts directs et taxes assimilées.Le montant de l'impôt dû doit être acquitté auprès de la recette des impôts du lieu de situation du bien dans un délai maximum de trente jours à compter de la date de perception du loyer ; cette disposition étant valable pour la pratique la plus étendue de perception de loyers d'avance. Particulièrement pour les loyers perçus d'avance, en cas de résiliation anticipée du contrat, le bailleur peut demander le remboursement de l'impôt afférent à la période restant à courir, sous condition de justification du remboursement au locataire du montant du loyer encaissé de la période non échue. Pour les contrats qui ne précisent pas le terme du loyer, l'impôt sur le loyer est exigible le premier jour de chaque mois. Cette disposition est applicable même si l'exploitant ou l'occupant des lieux ne s'acquitte pas de loyer, la base d'imposition retenue étant la valeur locative telle que déterminée par référence au marché local ou selon les critères fixés par voie réglementaire. Signalons enfin la modification de l'article 144 du code des impôts directs et taxes assimilées qui prévoit que les subventions destinées à acquérir des équipements amortissables sur une durée supérieure à cinq (5) ans sont rapportées aux exercices afférents à la période d'amortissement. L'ancienne rédaction de l'article 144 imposait que les subventions soient rapportées, par fractions égales, aux bénéfices imposables de chacun des cinq exercices suivants. L'extension au véritable plan d'amortissement devrait profiter aux investissements lourds dont la durée d'amortissement dépasse les cinq ans. (A suivre) Note : (1)Notre publication El Watan du 23 janvier 2012 (2) Compris comme capital social sous la nouvelle terminologie de la loi comptable. (3)Article 220-6 du code des impôts directs et taxes assimilées. (4)Article 8-3 du code des taxes sur le chiffre d'affaires. (5)Article 14 b) du code des taxes sur le chiffre d'affaires. (6)Article 14 f) du code des taxes sur le chiffre d'affaires. (7)Article 14 a) du code des taxes sur le chiffre d'affaires.