Harcèlement, menaces, chantages, dénigrement, violences dans les propos et les rapports, les enseignantes du département de français à l'université de Bouzaréah crient leur ras-le-bol face à une situation kafkaïenne créée par leurs propres collègues. Lundi, 10h30, elles étaient une vingtaine rassemblées devant le rectorat de l'université Alger 2, pour réclamer des «conditions de travail dignes et le respect mutuel». «On reçoit des insanités sur nos boîtes mails et nos téléphones. Les personnes sont dénigrées, insultées, raillées sur leur physique. Elles sont traitées de vache, de canard boiteux, de Satan et d'autres insultes encore. Et les messages sont envoyés à tous les collègues et aux étudiants de cette université et d'ailleurs, même à l'étranger. Vous imaginez l'atteinte à la dignité et à l'honneur!», s'indigne K.A.D, la présidente du conseil scientifique. Selon ces pédagogues en colère, les femmes enseignantes concernées par des postes de responsabilités administratives et scientifiques sont les premières cibles des deux «corbeaux» qui activent à visage découvert. «Cela dure depuis plus d'une année. Dès qu'on conteste une décision des deux collègues, ces individus vous déclarent la guerre. Il y a 8 ou 9 enseignantes qui sont constamment harcelées par mail, y compris la doyenne de la faculté des langues et des lettres, la chef du département et d'autres encore», affirme la présidente du conseil scientifique elle-même concernée par ces mails et SMS. Et comme l'impunité enhardit les plus zélés, d'après les manifestantes, de virtuelles, les agressions ont franchi le cap de la réalité papable et son devenues physiques. «L'un de ces professeurs a agressé la présidente du comité scientifique en pleine réunion pédagogique. N'était l'intervention d'un collègue, il l'aurait brutalisée», s'indigne un professeur. Mais pourquoi cette situation a-t-elle duré aussi longtemps, plus d'une année ? «Les enseignantes ont déposé plainte au niveau du rectorat de l'université, mais le recteur (Salah Khennour remplacé ce lundi par Hamidi Khmisti), qui a été très stricte dans sa réaction, n'a pas eu le temps pour régler le problème. On n'a pas déposé plainte au niveau des services de sécurité car Alger 2 est une famille. Et on voudrait que ces problèmes se règlent en interne, en conseil de discipline et en commission paritaire», explique Mme Filali Ferial, la doyenne de la faculté des langues et des lettres. Mais au-delà du harcèlement et des atteintes à la dignité des personnes, les enseignantes dénoncent surtout les chantages et manipulations opérées par leurs adversaires en prenant en otage des étudiants. «Ils essayent de retourner les étudiants contre nous. D'ailleurs, pour le concours de doctorat prévu prochainement, ces enseignants ont refusé de rendre les notes de master bloquant ainsi les étudiants dans leur cursus universitaire – ces derniers ne pourront pas participer au concours de doctorat sans les notes. Et ils tentent de manipuler certains étudiants pour empêcher le déroulement du concours», dénonce K.A.D. Nous avons essayé de joindre les enseignants incriminés pour un droit de réponse, malheureusement, on n'a pas réussi à les toucher pour avoir leur version des faits. Par ailleurs, et par la même occasion, les enseignantes en colère ont évoqué des «conditions de travail indignes de l'université». «Salles de cours nauséabondes, pas de toilettes dignes de ce nom, absence d'hygiène et de commodités», la liste des griefs est longue pour dépeindre l'état du bloc B, «internationalement connu pour son insalubrité», ironise une enseignante. «La faculté des langues et des lettres est le parent pauvre de l'université algérienne. Mais un budget a été alloué et le bloc sera vidé pour travaux. C'est imminent. On espère avoir l'accord de l'université Alger 1, pour nous prêter des salles le temps de la réfection. Et le transfert des classes se fera incessamment», rassure la doyenne.