Grâce à eux, les immigrés de France ont pu arracher le droit à la carte de séjour et de travail valable pour dix ans, légiférer une loi contre les crimes racistes et un projet sur le vote des étrangers aux élections locales. Ce sont les initiateurs de la marche «Pour l'égalité et contre le racisme». C'est la fameuse marche dite pour l'égalité et contre le racisme qui a traversé la France du 15 octobre au 3 décembre 1983 pour revendiquer le droit à l'égalité et contre le racisme. Plus de 1500 km parcourus. Et le réalisateur et scénariste belge, Nadir Ben Yadir (Les Barons) s'en est inspiré et en a fait un film éponyme, La Marche, qui est sorti en salles le 27 novembre 2013 en France. Et il est compétition pour le meilleur long métrage au Festival international du film de Marrakech (Maroc) se déroulant du 29 novembre au 7 décembre. Le pitch ? En protégeant un jeune attaqué par un chien policier lors des affrontements entre forces de l'ordre et jeunes du quartier des Minguettes, Mohamed se fait tirer dessus par le maître du canidé. C'est cette bavure policière qui déclenchera un mouvement pacifique et anti-raciste, timide puis grandissant, fédérant des français d'origine maghrébine et de souche, et ce, à l'initiative de trois jeunes et un curé des Minguettes. C'est leur marche du sel (de Ghandi) — le film Ghandi de Sir Richard Attenborough les a influencés — ou encore celle de Martin Luther King à eux. Les marcheurs s'appellent Mohamed, Sylvain, Keira, Claire, Monia, Yazid, Hassan, Christophe ou encore Farid, ce sont les pionniers de cette cause juste. A Marseille, ils seront 25 marcheurs. Durant leur chemin «de croix», entre doute et espoir, entre des luttes intestines de leadership et esprit collectif, entre amour et haine raciale et voire de bêtise humaine, les marcheurs vont de l'avant. Nadir Ben Yadir filme avec sobriété, présente une pédagogie historique, cultive un humour faisant tilt et pas du tout cheap — la grande force du dialogue —, et restitue cet univers des années 1980 avec fidélité. La preuve, Nadir Ben Yadir a filmé en 35 mm plutôt qu'en numérique. Mention spéciale pour le jeu des acteurs. Il ont interprété leur rôle avec justesse ; Tewfik Jallab (Mohamed) Olivier Gourmet (le curé Christophe Duboix), Vincent Rottiers (Sylvain), une graine de star montante, l'hilarant et attendrissant M'Barek Belkouk (Farid), Charlotte Le Bon (Claire), Hafsia Herzi (Monia), Nader Boussandel (Yazid), ou encore Lubna Azabal (Kheira). Et puis, un Jamel Debbouze interprétant Hassan, un junky devenu «marcheur permanent». Un rôlé déjanté, touchant et généreux. C'est la plus-value du film. Et de surcroît, son cachet était au tarif syndical vu que c'est un film low cost (petit budget). C'est un film essentiel. Il y a 30 ans, on tuait les Arabes et les auteurs de crime écopaient au maximum de 6 mois de prison. On était dans un contexte où il y a eu a peu près 200 morts en l'espace d'un an et demi, deux ans. Donc, effectivement, il y a quelque chose de vital et d'urgent pour ces jeunes qui ont fait ce pari complètement fou en se disant : on va marcher comme Ghandi ! Et puis, ils ont réussi à fédérer 100 000 personnes au final. Et ce film est une piqûre de rappel qui est plus importante aujourd'hui avec ce qui ce passe en France. «On insulte des ministres parce qu'ils sont noirs. C'est devenu ordinaire, banal et normal…», nous confiera l'actrice Lubna Azabal (Viva Laldjerie, Goodbye Morocco) incarnant un rôle fort, entier à «character» (rôle en anglais).