Des groupes djihadistes libyen, marocain, égyptien et tunisien ont rencontré des représentants d'Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Front Al Nosra syrien, en septembre à Benghazi, a affirmé hier le journal allemand Welt am Sonntag. La conférence aurait duré trois jours et se serait tenue dans l'une des places fortes de l'organisation salafiste libyenne Ançar Al Charia, précise Welt am Sonntag, sans citer de sources. Parmi les principaux intervenants figurait Abou Iyadh, le responsable de l'organisation tunisienne Ansar Asharia – indépendante de la structure libyenne, même si elles portent le même nom –, recherché notamment pour l'attaque contre l'ambassade américaine à Tunis en septembre 2012, écrit encore le quotidien dominical. Welt am Sonntag relate qu'Abou Iyadh était venu demander de l'aide aux autres groupes salafistes, dans l'hypothèse où le conflit avec le gouvernement tunisien dégénèrerait. «Abou Iyadh aurait demandé lors de la réunion à ne plus envoyer de Tunisiens en Syrie, car il avait un besoin urgent de combattants auprès de lui», écrit le journal. Cette demande du dirigeant du groupe tunisien aurait été mal accueillie par les représentants du Front Al Nosra, pour qui «l'afflux de combattants étrangers qui sont envoyés en Syrie par milliers en provenance de la Libye depuis plus d'un an» est capital, poursuit l'article. Un compromis aurait toutefois été trouvé : les djihadistes tunisiens auraient été autorisés à rentrer combattre chez eux, mais en échange le Front Al Nosra aurait obtenu des garanties sur le fait que tous les autres combattants qui iront en Syrie seront placés sous son commandement et non sous celui de l'Etat islamique en Irak et au levant (EIIL), un autre groupe lié à Al Qaîda qui concurrence le Front Al Nosra. Profitant du vide sécuritaire après la chute de Mouammar El Gueddafi, le groupe libyen Ançar Al Charia fait la loi en particulier dans l'est de la Libye, où il contrôle des quartiers de Benghazi, Syrte et Derna, selon des sources locales. Les attaques dans l'Est libyen, comme celle du 11 septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi, qui a coûté la vie à l'ambassadeur, Chris Stevens, et à trois autres Américains, sont souvent attribuées à des groupes islamistes, dont Ançar Al Charia, par des experts libyens et étrangers. Les autorités n'osent pas toutefois accuser directement ces groupes lourdement armés, par crainte de représailles, selon ces experts. Récemment, Ançar Al Charia a indiqué dans un communiqué qu'il ne reconnaissait pas les institutions de l'Etat en Libye ni ses services de sécurité, les qualifiant d'apostat et de «taghout». Impasse politique et risque de déflagration En plus d'une situation sécuritaire catastrophique, la Libye est aussi dans le rouge sur les plans politique et économique. C'est ainsi que, par exemple, le blocus des principaux terminaux pétroliers de l'Est libyen, qui devait être levé hier, a été finalement maintenu, a indiqué le chef des gardes qui bloquent depuis plusieurs mois ces installations pour réclamer l'autonomie de la région. «Nous affirmons que nous n'allons pas ouvrir les ports pétroliers», a déclaré Ibrahim Jodhrane, expliquant que les différentes tentatives pour résoudre la crise avec le gouvernement avaient échoué. Mardi, Saleh Al Ateiwich, chef de la tribu de Jodhrane dont sont issus la plupart des protestataires, avait annoncé la levée, à partir du 15 décembre, du blocage des principaux terminaux pétroliers de l'Est libyen, qui dure depuis plusieurs mois. Mais M. Jodhrane a expliqué hier dans une déclaration transmise par la chaîne Al Nabaa que les trois conditions posées pour la levée du blocus n'avaient pas été satisfaites par le gouvernement. Les gardes réclament la formation de deux commissions, l'une chargée d'enquêter sur les accusations d'exportation illégale de pétrole, l'autre de superviser la commercialisation du brut. Ils exigent aussi l'attribution à la région de la Cyrénaïque – dont ils réclament l'autonomie dans le cadre d'une fédération – d'une part des revenus pétroliers. Des gardes des installations pétrolières dépendant du ministère de la Défense, en charge de la surveillance des installations pétrolières, bloquent depuis fin juillet les principaux terminaux pétroliers du pays. Accusant, dans un premier temps, les autorités de vendre du pétrole de façon irrégulière, ces protestataires ont par la suite revendiqué l'application du système fédéral qui divisait le pays en trois régions administratives historiques : la Cyrénaïque, la Tripolitaine (ouest) et le Fezzane (sud), avant sa suppression en 1963. Ibrahim Jodhrane s'est ainsi autoproclamé, en août drnier, président du bureau politique de la Cyrénaïque et a œuvré pour la formation d'un gouvernement local. Ce que Tripoli refuse de reconnaître.