Une plaisanterie de mauvais goût, des insinuations pathétiques, et un nouveau coup de froid à l'horizon dans les relations censées être «normalisées» depuis la visite de François Hollande en Algérie, en décembre 2012. Décidément, il n'est pas encore révolu le temps des petites phrases assassines, échanges véhéments de propos incendiaires qui mettent sous haute tension les relations entre les deux capitales. En dépit de la très pragmatique Déclaration d'Alger (signée en 2012), la «communauté de destin», les impairs diplomatiques pullulant condamnent les rapports algéro-français à la loi du chaud et froid. Après le fameux discours du président Sarkozy à Dakar où il était question de l'«homme africain qui n'est pas rentré dans l'histoire», François Hollande réitère presque la même chose. Avec le rire en plus. A l'Elysée, lundi 16 décembre au soir, après un banquet arrosé en l'honneur des 70 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le président François Hollande a laissé entrevoir quelques-unes de ses facettes d'humoriste qui étaient jusque-là méconnues au «président normal». Alors que Jean-Marc Ayrault, son Premier ministre ferraillait encore à Alger où il était arrivé dans la matinée pour une visite de deux jours, visite assortie de la signature d'une vingtaine d'accords potentiellement bénéfiques, le président français s'en donnait à cœur joie de cet humour grinçant le racisme et sentant les stéréotypes sortis tout droit de la remise du centenaire de la colonisation (dit de la conquête) ou de l'Exposition universelle (et des indigènes) de Paris de 1889. Lors de son discours à l'Elysée, et au détour d'une de ces petites digressions malheureuses qui ruinent de grands desseins, Hollande annoncera – sans transition justifiée – la visite prochaine de Manuel Valls en Algérie. Le ministre de l'Intérieur français lui rappellera qu'il revenait justement d'Algérie. Réplique au vol : «Il en revient sain et sauf», relance tout sourire, le président français. «C'est déjà beaucoup !», ajoutait-il sous les rires des convives et journalistes amusés. D'humeur joyeuse et arrosée, le banquet parisien fera l'effet d'une douche froide en terre algérienne, dont le peuple est renvoyé, sans autre forme de procès, à sa condition de colonisé, de sauvage à civiliser, d'indigène de la République, dénué aussi bien de cortex cérébral que d'humour.