Après plus de cinq mois d'âpres négociations sur la finalisation de la transition, le Dialogue national en Tunisie est parvenu à des formules consensuelles sur la nouvelle Constitution, l'Instance indépendante des élections (ISIE) et le prochain gouvernement de compétences indépendantes, présidé par Mehdi Jomaâ. Ces accords devront toutefois passer par l'Assemblée nationale constituante pour validation avant le 14 janvier. La Tunisie retient son souffle. Tunis. De notre correspondant Les islamistes d'Ennahdha, les sociaux-démocrates d'Ettakatol et l'opposition sont donc parvenus, hier à l'aube, sous la houlette des organisations parrainant le Dialogue national (UGTT, UTICA, LTDH et Ordre des avocats) à trouver des terrains d'entente sur tous les parcours de la transition et n'attendent normalement que leur adoption par l'ANC. L'optimisme est, certes, de mise. Mais les craintes sont là aussi. «S'il est vrai que nous sommes plus que jamais proches du but, les expériences antérieures avec Ennahdha nous recommandent la prudence», souligne le porte-parole d'Al Massar, Samir Taïeb. «Donc, il ne faut pas dormir sur ses lauriers», avertit-il. Il a fallu la création d'une commission de coordination entre l'assemblée générale du Dialogue national et la commission des consensus au sein de l'Assemblée nationale constituante pour installer des vases communicants efficaces dans la recherche des consensus. Lundi dernier, 23 décembre. C'était à ce moment-là que le quartette des organisations nationales avait décidé la reprise du compte à rebours de sa feuille de route de la transition. C'était à cette commission ad hoc de relever les défis. Dès son premier jour de travail, le président de cette commission, Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de l'UGTT, a fait pression sur le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaafar, pour établir un calendrier des tâches restantes à réaliser au niveau de l'Assemblée. Deux réunions extraordinaires du bureau de l'ANC ont été nécessaires pour harmoniser entre l'adoption du budget 2014, l'amendement de la loi sur l'ISIE et l'élection de ses membres, ainsi que l'adoption de la Constitution. Parcours du combattant Les travaux sur le budget 2014, qui a été finalement adopté, se sont déroulés sur deux jours, jeudi et avant-hier vendredi. L'amendement de la loi sur la formation de l'ISIE a été voté hier, permettant ainsi à l'ANC de rectifier ladite loi en rapport avec les réserves du tribunal administratif. Par ailleurs, la commission des consensus à l'ANC est parvenue, hier à une heure du matin, à finaliser la Constitution, selon des formules acceptables par la quasi-majorité des partis politiques. Le principal différend concernait le rôle de l'ANC après l'adoption de la nouvelle Constitution, ainsi que le contrôle du gouvernement de Mehdi Jomaâ. La troïka voulait que l'ANC préserve ses attributions alors que l'opposition demandait de les réduire à l'extrême, notamment en matière de législation. Il a été finalement convenu de limiter le pouvoir législatif de l'ANC aux tâches en rapport avec le processus électoral. Le contrôle des décrets promulgués par le gouvernement Jomaâ est effectué par une commission formée par six juristes (les présidents de la Cour de cassation, du tribunal administratif et de la Cour des comptes, ainsi que par un expert désigné par chaque présidence). Suite à ces accords, les textes des consensus ont été publiés sur le site de l'ANC. Les constituants auront jusqu'à demain, 30 décembre, pour présenter des projets d'amendement. L'adoption de la Constitution, article par article, sera entamée le 3 janvier et devra finir le 12 pour respecter l'échéancier prévu par la feuille de route de la commission des consensus. Pour ce qui est de l'ISIE, et suite à l'amendement de sa loi de création, elle sera élue directement en plénière de l'ANC. Les constituants choisiront le 7 janvier prochain les neuf membres de l'instance parmi les 377 candidats à la majorité des deux tiers, avant d'élire un président parmi les neuf élus. Mehdi Jomaâ était déjà nominé depuis le 14 décembre pour suppléer à Ali Laâryedh à la tête du gouvernement. Ce parcours du combattant montre clairement qu'il y avait plein d'autres obstacles à surmonter pour espérer finaliser les processus constituant, électoral et gouvernemental avant le 14 janvier. Pour sa part, Mehdi Jomaâ devra finir la composition de son gouvernement d'ici le 8 janvier pour entamer la passation officielle avec Ali Laârayedh. La Tunisie entame ainsi les 14 jours les plus longs de sa transition.