Le refus d'une bonne partie de l'opposition syrienne d'y participer et la non-invitation de l'Iran constituent un vrai faux départ. La réunion des ministres des Affaires étrangères des onze (Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, France, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Egypte, Jordanie, Etats-Unis, Turquie) s'est ouverte, hier à Paris, en présence du président de la Coalition, Ahmad Jarba, pour discuter de la participation toujours incertaine de l'opposition à la conférence de paix sur la Syrie à partir du 22 janvier en Suisse. A dix jours de la très attendue conférence de paix, sous l'égide de l'ONU, à Montreux puis à Genève, il n'est pourtant pas acquis qu'elle se tienne à cette date. En effet, de nombreuses factions de l'opposition syrienne demeurent sinon hostiles du moins partagées sur la participation à cette conférence censé les mettre pour la première fois nez à nez avec les représentants du régime Al Assad. Le fait est qu'à Istanbul, la Coalition s'est montrée profondément divisée la semaine dernière sur la conduite à tenir face à cette conférence, décidant finalement de ne pas… décider jusqu'au 17 de ce mois, soit à la veille de l'ouverture des travaux de Genève 2. Et le front de refus est surtout animé par les principaux groupes de combattants rebelles qui rejettent catégoriquement toute négociation avec le régime. Le Conseil national syrien (CNS), principale composante de la Coalition, a déjà exprimé son refus de participer à Genève 2, exigeant des garanties sur un départ du président Bachar Al Assad. Une condition qui relève de l'impossible aux yeux du régime de Damas. «Tant que le régime syrien bombarde n'importe quoi, n'importe où et par n'importe quels moyens, il est difficile d'imaginer que l'opposition politique, mais surtout armée, va accepter d'aller négocier», a affirmé Monzer Makhous, ambassadeur de la Coalition en France, cité par le journal Le Monde. Laurent Fabius, qui a entamé hier séparément des conciliabules avec ses homologues du groupe des onze, est conscient que la partie n'est pas gagnée d'avance. «C'est vrai que la situation de nos amis de la Coalition, de l'opposition modérée, n'est pas facile», a-t-il reconnu. «Ils ont à se battre sur deux fronts, d'un côté Bachar Al Assad, les Iraniens, les Russes, et de l'autre, les mouvements terroristes», a-t-il résumé. La capacité de nuisance Il y a donc des blocages objectifs difficiles à surmonter avant le jour J. S'il y a un «consensus entre les onze» sur la nécessité d'aller à Genève 2, comme le souligne un diplomate français, il n'est pas sûr que les animateurs de l'opposition syrienne partagent le même sentiment. En attendant, le chef du quai d'Orsay tentait hier de coordonner avec ses homologues turcs et qataris pour faire entendre raison aux récalcitrants. Cela étant dit, la participation ou pas de l'Iran constitue aussi une équation à résoudre avec Genève 2. John Kerry et Sergueï Lavrov devraient précisément évoquer ce matin à Paris cette brûlante question. Sans doute que la non-participation de l'Iran invaliderait quelque part la conférence de Genève 2 en ce pays constitue l'allié et le pourvoyeur en armes et en moyens du régime syrien. «Les officiels américains ont conscience qu'actuellement il est impossible de résoudre la crise régionale et globale sans la collaboration de l'Iran», a asséné hier le général Salami, commandant adjoint du corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC), cité par l'agence de presse iranienne Fars. Et d'ajouter : «A l'heure actuelle, plus aucun pays de la région ne déroule le tapis rouge pour les Etats-Unis et l'Egypte, le Liban et la Syrie ne soutiennent plus les Etats-Unis et les sionistes.» Téhéran voit d'un très mauvais oeil son éventuelle exclusion de la conférence comme réclamé par une partie de l'opposition syrienne et sans doute beaucoup parmi le groupe des onze. Le commandant de la Force de mobilisation de la résistance (Basij), le général de brigade Mohammad-Reza Naqdi, en donne l'avant-goût. «Toute décision prise en l'absence de la République islamique d'Iran sera futile et infructueuse», a estimé le général Nadqi, cité par Fars. Une déclaration qui sonne comme un avertissement que Kerry et Lavrov devraient bien décrypter aujourd'hui avant de décider s'il faille oui ou non maintenir la non-invitation de l'Iran.