Des millions d'Egyptiens se sont rendus hier dans les bureaux de vote pour soutenir la nouvelle Constitution l Beaucoup plébiscitent la candidature du général Abdelfatah Al Sissi. Le Caire (Egypte) De notre correspondante Votons oui. Un point c'est tout.» Avec ses paroles, Ahmed espère ramener le calme dans la file indienne située devant l'une des nombreuses écoles transformées en bureau de vote. Ce mardi 14 janvier, pour le premier jour du référendum sur la nouvelle Constitution, des millions d'Egyptiens comme Ahmed apportent leur soutien au gouvernement provisoire formé au lendemain de la destitution de l'islamiste Mohamed Morsi, le 3 juillet 2013. Derrière lui, s'agite Gamal. «Les Frères musulmans ont voulu vendre nos terres» Un révolutionnaire des premières heures, dit-il. L'homme disserte longuement sur les raisons qui le poussent à approuver la nouvelle Constitution, ce qui agace fortement ses voisins. «Tu n'es pas obligé de donner tous les détails, on est tous d'accord avec toi ici.» Piqué au vif, Gamal rétorque : «Je suis descendu le 25 janvier 2011 contre Moubarak, j'ai manifesté le 30 juin 2013 contre Morsi. Je n'ai peur de rien. Au contraire, les détails comptent. Il faut que le monde sache, ce qui s'est passé en juin 2013 : non, ce n'est pas un coup d'Etat, mais bien une révolution populaire.» A peine a-t-il fini son plaidoyer que des sirènes retentissent. Elles annoncent l'arrivée du ministre de l'Intérieur, Mohamed Ibrahim, dans le bureau de vote. La dissertation est terminée. Gamal applaudit l'arrivée du premier flic d'Egypte entouré de sa garde rapprochée. Au cœur du quartier résidentiel de Dokki, au Caire, de nombreuses écoles ont été mises à disposition de la Commission électorale suprême, chargée de superviser le premier scrutin électoral organisé depuis que Mohamed Morsi a été renversé. Gamal et ses voisins exècrent la confrérie et disent garder un très mauvais souvenir de son passage au pouvoir : «Les Frères musulmans ont voulu vendre nos terres et le canal de Suez au Qatar. On ne peut pas travailler avec ces personnes. Ce sont des terroristes», juge-t-il. Un homme l'interrompt, et résume : «Nous sommes d'accord avec ce référendum, car il fait avancer le pays vers plus de paix et de stabilité. Voilà pourquoi il faut voter oui.» Plus loin sur la rue Tahrir, Mohamed Ali ne partage pas le même enthousiasme. Cet avocat tiré à quatre épingles passe en revue les unes des journaux, exclusivement consacrées au référendum. Statique, il égrène les perles de son chapelet, sans sourciller. «Je ne sais pas encore ce que je vais voter. Je ne soutiens ni les Frères ni l'armée. Je me laisse donc le temps de relire la Constitution pour me décider», soutient-il, en veillant à ne pas être entendu des passants. La principale force d'opposition du pays, la confrérie des Frères musulmans, a appelé au boycott du scrutin au nom de la légitimité de son président Mohamed Morsi renversé en juillet 2013 par l'armée. Al Sissi président Des affrontements ont éclaté pendant la journée dans différents gouvernorats et quartiers populaires du Caire, faisant plusieurs victimes. Leila, une sexagénaire à l'élégance surannée, se dit fatiguée. Pour elle, cela fait bientôt trois ans que l'Egypte s'enlise dans une interminable transition. Et tous les Egyptiens paient un lourd tribut. C'est pourquoi elle soutient la nouvelle Constitution et encourage la candidature du général Abdefatah Al Sissi à l'élection présidentielle. «Ça suffit, l'Egypte a besoin d'un militaire comme lui, tranche Leila. C'est un homme qui fait passer les intérêts de la nation avant les siens, sinon il serait resté dans les casernes, et ne risquerait pas de se présenter à une élection dont le mandat ne dure que quatre ans.» Le général Abdelfatah Al Sissi a récemment déclaré qu'il se présenterait à la présidentielle si le peuple le réclamait. Devant un bureau de vote du centre-ville, un défilé de voitures arborant son portrait était accueilli par des youyous. Le journal populaire sensationnaliste Sout El Oumma résume l'enjeu de la journée en trois mots : «Constitution», «Oui», «Al Sissi».