Des contrebandiers algériens s'adonnent à un trafic à grande échelle d'animaux protégés par loi, qu'ils revendent à d'autres trafiquants tunisiens, le long de la frontière algéro-tunisienne, pour le compte de touristes étrangers et autres parcs zoologiques du pays voisin. J'ai fait passer de l'Algérie des macaques, des chardonnerets, des fauvettes et même des animaux sauvages tels que le renard et le chacal », a avoué, sur un ton blasé, Kheireddine, un tunisien de Feriana, rencontré en décembre dernier à Thélepte, un petit village relevant du gouvernorat de Kasserine. Cet ex-oiseleur converti en un grand trafiquant d'animaux via la frontière algéro-tunisienne a déclaré aussi qu'il s'achetait ces animaux à la demande des touristes et des grands parcs zoologiques dans les grandes villes de Tunisie à des contrebandiers algériens, notamment ceux de Tébessa et de Souk Ahras. Du chardonneret à la fauvette en passant par l'hyène et le chacal et autres animaux sauvages, tout est bon à faire l'objet d'un grand trafic tout le long du tracé frontalier de la wilaya de Tarf à El Oued ; ce trafic a connu ces derniers temps des proportions alarmantes. La contrebande d'animaux devient une activité convoitée par des trafiquants algériens sans scrupules, causant ainsi une véritable saignée de la faune sauvage algérienne. Malgré la traque quotidienne des différents services de sécurité et des Douanes, ce fléau qui menace d'extinction en premier lieu des animaux protégés par la loi est loin d'être endigué. Ainsi, vingt-cinq autruchons ont été récupérés en octobre dernier par une brigade des Douanes, alors qu'ils étaient sur le chemin vers le territoire tunisien. Ces oiseaux en voie de disparition, en provenance de l'ouest algérien, ont été découverts dans une camionnette lors d'un contrôle de routine sur la RN16. Peu après, cette même brigade a pu arrêter deux individus en possession de 200 chardonnerets destinés à la contrebande. En septembre 2013, la brigade de la gendarmerie nationale, relevant de la commune de Négrine, à 160 km, à l'extrême sud de Tébessa, est parvenue à démanteler un réseau qui s'adonnait au trafic de chameaux vers la Tunisie et la Libye. Trois mis en cause ont fait passer à l'extérieur de l'Algérie plus de 200 chamelons et chamelles. L'enquête a été ouverte suite à une plainte collective déposée par une quinzaine de maquignons de la wilaya de Tébessa et d'El Oued après la disparition de leurs troupeaux. Selon un bilan de la gendarmerie nationale de Tébessa, plus de 15 400 œufs incubés de différents oiseaux et certains reptiles ont été saisis durant l'année 2013. En 2009, dix-sept paons ont été récupérés par la Gendarmerie nationale lors d'un guet-apens. Ces oiseaux rares, recommandés par le propriétaire d'un parc zoologique à Tunis, ont été decouverts dissimulés dans un sac à bord d'une voiture utilitaire au lieudit Bir Dheb, à une quinzaine de kilomètres de Tébessa. La gazelle Dorcas sur la liste rouge La gazelle Dorcas, connue en Algérie sous le nom de Souin, est en diminution constante à cause du braconnage. Une chasse sans merci est menée par de richissimes personnes de Bir El Ater et d'El Oued, pour la viande et la peau de ce bovidé. Cette chasse non autorisée de cette gazelle s'est intensifiée durant les trois dernières années. L'on estime à plus d'une centaine de gazelles Dorcas qui avaient été braconnées entre 2010 et 2012, notamment dans les localités de Zarif Elouar, dans la région de Négrine et l'extrême nord de la wilaya d'El Oued, apprend-on de sources concordantes. En Algérie, on compte plus de 600 individus de cette espèce connue par son faible taux de reproduction ; outre cela et face à un braconnage qui ne désarme pas, le mammifère est en danger d'extinction. «D'ici deux ans la gazelle Dorcas sera exterminée à jamais, notamment dans les régions d'El Oued, Biskra et dans la localité de Négrine à Tébessa, il faut la protéger», nous a déclaré un membre actif d'une association nationale pour la protection de la faune et de la flore. Par ailleurs, un troupeau d'une vingtaine de mouflon à manchette, qui vivait dans le massif de Bouromane, situé à quelques encablures de la frontière algéro-tunisienne, a été exterminé à la fin des années 1980 à cause du braconnage intensif. En effet, et selon les habitants de cette localité, les chasseurs s'en sont pris aux mâles, pour leurs cornes et leurs peaux. En s'attaquant ainsi aux reproducteurs, les quelques femelles qui y sont restées étaient contraintes d'émigrer en période de rut vers le territoire tunisien pour rejoindre d'autres troupeaux dans les monts de Tunisie.