En dépit d'une réglementation stricte en matière de protection des espèces animales en voie de disparition, l'outarde (houbara) et la gazelle continuent à faire l'objet de capture et de chasse illégales. Des émirs saoudiens accompagnés de leur personnel, au demeurant très discrets, ont été aperçus la semaine dernière, à bord d'une centaine de véhicules de type 4X4 et autres camions, dans la région de Ghayet El-Guelb, à quelque 50 km au sud de Hassi-Dellâa, commune située au sud-est de Laghouat, en direction de Zergoun et M'higuen, 150 km à l'ouest de Hassi R'mel, et dans la région de Metlili (Ghardaïa). Ils visent les lieux idoines à la recherche de cette proie royale qui n'est autre que l'outarde houbara (chlamidotis). Ainsi, l'Algérie vient d'ouvrir, encore une fois, ses portes à ces princes du Golfe pour effectuer des parties de chasse de cet animal migrateur rare. Une fois en Algérie, ces émirs braconniers se partagent la vaste région du sud du pays, qui s'étend sur une distance de 2 500 km allant de la zone de Oued Namous (Béchar) et Lebiodh-Sidi-Chikh (El-Bayadh), jusqu'à Biskra en passant par Metlili (Ghardaïa), Laghouat, Djelfa et Ouargla. Et ce, à la recherche des espaces de prédilection de l'outarde et autres gibiers très recherchés tels que la gazelle. Quoique le sud-est de l'Europe soit le lieu d'origine de cet oiseau, il se trouve émigré vers les pays chauds notamment la Syrie, la Jordanie, le Sinaï (sahara égyptien) et les pays de l'Afrique du Nord, selon les spécialistes des mouvements migratoires de cette espèce animale. Mais les émirs braconniers n'arrêtent pas de poursuivre cet animal de pays en pays, à bord de 4X4, équipés de moyens de communication très sophistiqués tels que le GPS. Ceci en sus des moyens tractables et portables faisant office de cuisines et autres moteurs électrogènes. Le tout à bord de centaines de camions répartis, ces jours-ci, à travers les régions du sud, dans les wilayas de Laghouat et Ghardaïa. Lors des battues et dans la foulée, d'autres espèces animales tel que Lagta (appellation locale) et la gazelle dorcas (gazella dorcas) – espèce rare vivant dans les régions d'Al-Bayedh et au sud de Laghouat –, n'y échappent pas. La viande de Lagta sert de nourriture aux aigles utilisés pour la capture de l'outarde, nous dit-on. Selon des indiscrétions, de retour d'une partie de chasse vendredi passé, l'émir Nayef Ben Abd Al-Aziz a été victime d'un accident de la route. Le véhicule de marque Toyota à bord duquel il était aurait heurté un autre véhicule de marque Nissan. On croit savoir que ce genre d'oiseaux échassiers à chair savoureuse, pourtant protégés par les traités et accords internationaux notamment la Convention de 1973 élaborée à Washington (Etats-Unis) ratifiée par l'Etat algérien, ainsi que la législation nationale, notamment l'ordonnance n°06-05 du 15 juillet 2006, relative à la protection et à la préservation de certaines espèces animales menacées de disparition (JORA n°47 du 19 juillet 2006), est considéré par ces touristes de luxe saoudiens comme étant du “viagra naturel”. C'est pourquoi ils semblent être intéressés spécialement, selon la population autochtone, par le cœur et le foie du gibier convoité. Pour rappel, parmi les oiseaux protégés et cités par l'ordonnance suscitée, nous retrouvons l'outarde houbara (chlamidotis), la grande outarde (otis-tarda), l'outarde canepetière (tetrax). Quant aux mammifères protégés, on y retrouve la gazelle rouge (gazella-ruffina), la gazelle de l'Atlas (gazella-cuviera), la gazelle dama (gazella-dama), la gazelle dorcas (gazella-dorcas), la gazelle du Sahara (gazella-leptoceros). Il faut dire que la chasse à la gazelle dans les régions du sud du pays est devenue monnaie courante ces dernières années. Selon des sources scientifiques, sur le million d'outardes recensées dans les pays d'Afrique du Nord en 1994, dont quelque 400 000 en Algérie, ce nombre enregistre un rétrécissement tel une peau de chagrin depuis l'autorisation de la pratique du braconnage dans les régions agropastorales, arides et semi-arides des régions du sud du pays. C'est le paradoxe entre, d'une part, assister à l'extinction de la faune sauvage et de notre avifaune riche et variée, comme le guépard du Tassili, le cerf d'El-Kala, le mouflon de l'Atlas saharien, les différentes races de gazelles du Sahara, l'outarde, le chardonneret... qui sont pourtant protégés par le décret n° 083-509 du 20 août 1983 et l'arrêté du 17 janvier 1995, et, d'autre part, envisager des politiques à même de créer une industrie touristique dans notre pays. Ainsi, leur défense n'est-elle pas une nécessité scientifique, écologique, esthétique, économique et morale ?