Durant toute cette période, la communauté internationale assiste dans l'indifférence à la déliquescence de l'Etat. Les racines de la crise remontent à l'aube de l'indépendance. Depuis le milieu des années 1990, la République centrafricaine (RCA) est secouée par une crise politico-militaire qui la plonge dans le chaos. Une tradition dans un pays dont l'histoire est marquée par des coups d'Etat. Le 24 mars 2013, le président François Bozizé, qui a fomenté en 2003 un coup d'Etat contre Ange-Félix Patassé, est renversé à son tour par le mouvement rebelle la Séléka. Michel Djotodia est désigné à la tête du Conseil national transitoire (CNT) et devient président par intérim. Mais il finit par démissionner avec son Premier ministre, Nicolas Tiengaye, le 10 janvier, à l'issue du sommet de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) tenu à N'Djamena, au Tchad. Entre-temps, la Séléka est dissoute, des groupes d'autodéfense, les «anti-balaka» ou anti-machettes se constituent pour se défendre contre ces rebelles. Durant toute cette période, la communauté internationale assiste dans l'indifférence à la déliquescence de l'Etat. Les racines de la crise remontent à l'aube de l'indépendance. En effet, le père fondateur de cette République, Barthélemy Boganda, président du Grand conseil de l'Afrique équatoriale française, lance en décembre 1959 l'idée de créer une République centrafricaine composée de l'Oubangui-Chari, du Tchad et du Gabon. Africaniste, il estime nécessaire pour cette région de se constituer en un seul pays doté d'une économie forte qui lui permettra de protéger son indépendance et de jouer un rôle important sur le plan international au profit de l'ensemble du continent qui n'a que trop souffert du joug colonial. Cependant, il meurt dans un mystérieux accident d'avion en mars 1959. En 1960, est proclamée l'indépendance de l'Oubangui-Chari sous le nom de la RCA avec comme président David Dacko qui instaure la dictature. Riche en minerais, tels que le diamant et l'uranium auxquels s'ajoute par la suite le pétrole, le pays est sujet aux convoitises des grandes puissances, à commencer par la tutelle coloniale, la France. Ainsi se pose la question : et si toutes ces richesses naturelles n'ont fait que le malheur de ce pays comme tous les pays du continent africain ? Au temps de Bokassa, la République centrafricaine est connue pour ses diamants de sang. Ces dernières années, c'est l'odeur de l'uranium et du pétrole qui y plane. Et de surcroît, les puissances coloniales anciennes sont confrontées à un concurrent majeur sur le continent, à savoir la Chine. En 2012, le gisement pétrolier de Gordil est cédé au groupe chinois, China National Petroleum Corporetion (CNPC). Ce qui est mal apprécié par Paris. D'autant qu'en novembre 2011, le groupe français Areva annonce la fermeture pour deux ans du gisement d'uranium de Bakouma suite à la catastrophe de Fukushima au Japon(1). Catastrophe qui a provoqué la chute des prix de l'uranium. Gisement obtenu non sans friction avec le président Bozizé. D'où le retard de la France à agir en Centrafrique. Ce qui est loin d'être le cas du Mali. Et depuis l'indépendance de ce pays, c'est la France qui fabrique et défait les présidents. Tocsin pour la paix Créée en 2006 au nord du pays, la Séléka (Alliance) en sango, regroupe un ensemble de mouvements rebelles, à savoir l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) de Michel Djotodia, le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) de Abdoulaye Miskine, la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) de Abdoulaye Hissène et la Convention patriotique du salut du Kodro (CPSK) de Mohammad Moussa Dhaffane. La Séléka s'empare du pouvoir le 24 mars en renversant le président François Bozizé. Lequel n'a en la circonstance que le temps nécessaire pour fuir le pays. La Force multinationale de l'Afrique centrale (Fomac) sur place depuis 2008 et les soldats du détachement français Boali n'ont pas bougé. Sachant qu'en 2007 des parachutistes français et des éléments des forces tchadiennes sont intervenus pour chasser les rebelles. Comme toutes les forces multinationales qui l'ont précédée et la Misca qui lui a succédé dans ce pays, la Fomac ne fait que constater le chaos. Les forces multinationales rappellent les Casques bleus de l'Organisation des Nations unies (ONU) qui, sollicités par Patrice Lumumba pour intervenir dans son pays, le Congo, pour mettre fin à la guerre civile qui a éclaté juste après son indépendance en 1960, n'ont fait que constater en spectateur à son assassinat et au soulèvement sécessionniste du Katanga de Moïse Tshombé, région riche en minerais(2). Les rébellions se succèdent et en 1965 Mobutu prend le pouvoir dont les séquelles sont indélébiles. Michel Djotodia est désigné président par intérim, mais n'arrive pas à maîtriser la situation, assistant dans l'impuissance à l'anarchie qui sévit dans le pays, alors que la Séléka est officiellement dissoute en septembre 2013. La CEEAC reconnaît le CNT en juin et promet des élections dans dix-huit mois. Cautionnant ainsi le coup d'Etat sachant que l'Union africaine (UE) ne reconnaît pas les gouvernements issus de coups d'Etat. Le 5 décembre 2013, le Conseil de sécurité de l'ONU donne un mandat de six mois aux troupes françaises et à la Misca pour rétablir la sécurité. Le jour d'après, Paris lance l'opération Sangaris, l'opération conjointe des forces africaines et françaises en Centrafrique doit rétablir la sécurité dans le pays. Mais depuis quand les interventions militaires règlent les crises politiques en RCA et le continent africain en général. A quels résultats ont abouti les opérations Barracuda en septembre 1979. Suivent les opérations Almandin, Cigogne, Boali. Toutes ces interventions n'ont fait qu'établir un ordre précaire, prélude du désordre, fatalité du chaos avec ses promesses de paix et de prospérité qui ne se concrétiseront jamais. (1)- Voir Vincent Munié : Agonie silencieuse de la Centrafrique. Le Monde diplomatique, octobre 2013, numéro 715. P 12. (2)- Voir, Jean Ziegler : Main basse sur l'Afrique. La Recolonisation. Editions Le Seuil 1980.