«Sauve-qui-peut et que le dernier ferme la porte». On retrouve toute la faconde d'Aziz Chouaki dans Esperanza (éditions Les Cygnes). Paris De notre correspondant Chaque sortie de livre de Aziz Chouaki est un événement, ce dernier ne déroge pas à la règle. Un huis clos dans une Méditerranée tour à tour calme et furieuse. Le pire n'est pas certain, le mieux est pris de hoquets, de frissons sur ce radeau, non de la méduse, qui porte avec lui des espoirs, pas si fous que ça. Désespérément raisonnables. Huis clos sur une barque entre la côte africaine et Lampedusa. Les personnages ? Vous et moi, ils, tous. Certains plus désespérés que d'autres. «Moi, le choix ? C'était kamikaze ou harraga. J'ai fait pile ou face, c'est tombé harraga». L'avenir à pile ou face. On reconnaît le style de l'auteur de L'étoile d'Alger dans ces dialogues incisifs, ironiques, voire sarcastiques, jamais cyniques. «Il était un petit babor /qui n'avait ja ja jamais fait l'amor». Deux simples phrases, et voilà résumée la vie de nombreux habitants du sud de la Méditerranée. Chômage, précarité, misère sociale et sexuelle. Les longues phrases à proscrire. Aziz Chouaki a le don de nous réconcilier avec notre humanité. Chaque roman, chaque pièce de théâtre est un euphorisant. Pas du prozac, de l'acide. Et de l'absurde en guise d'échappatoire. Comment résister à son naufrage sans rêver à des lendemains qui ne déchantent pas. Justement, les aspirants à une vie meilleure, coincés dans la barque Esperanza, décident de fonder une République et donc une Constitution. L'article 2 stipule : les harraga condamnent l'injustice, l'oppression et le meurtre de rêves. Rêvicide, ce mot n'existe pas, et alors ? L'éphémère est éternel. Esperanza est un îlot d'humanité au milieu d'un océan gonflé par des vents contrariants. Et Lampedusa, toutes les Lampedusa du monde, ne sont pas nécessairement une arrivée.