Le récit du docteur Izermane est digne d'une fable «universitaire» kafkaïenne. Ce chercheur atypique, au profil fort pertinent, qui a été contraint par l'impitoyable et moins absurde machine bureaucratique de battre le record du plus long cursus. Le doctorant que nous avons rencontré aux côtés du professeur Zellal rend hommage à cette dernière et réédite pour El Watan étudiant son témoignage, déjà tristement anecdotique dans le milieu universitaire. Je comprends aujourd'hui le désarroi et le courage de madame Zellal face à ses détracteurs, du moins ceux du département, et je sais qu'ils sont nombreux ; je tiens à apporter mon témoignage pour l'histoire, et Dieu m'est témoin, je le dis en mon âme et conscience, ce sont mes écrits, c'est mon récit, mon vécu, je suis libre de mes actes et de mes pensées. Avant tout, je suis un père de famille, et je ne voudrai pas que mes enfants subissent le même sort. Tout a commencé en 1994. Alors jeune médecin, une offre alléchante dans un placard publicitaire d'un quotidien qui proposait aux médecins de passer un concours national pour l'obtention d'un diplôme de magistère organisé par l'ENS et un centre de recherche, le CRSTDLA. J'avais le choix entre faire une spécialité médicale, ou bien saisir cette opportunité qui nous permettait de faire de la recherche et la perspective de travailler dans une équipe multidisciplinaire. J'avais opté pour la seconde. Après deux ans théoriques de tronc commun couronnés de succès, ce fut le début de notre calvaire, nous devions trouver un encadreur. Des questions sans réponses nous taraudaient l'esprit et sont restées sans réponses à ce jour. Pourquoi a-t-on donné l'habilitation à ce magistère ? C'est un mystère ! Ce n'est qu'en 2008, grâce à l'esprit pédagogique de Madame le Professeur N. Zellal, que nous avons pu soutenir sous sa direction notre thèse de magistère en sciences du langage et de la communication linguistique. Option «pathologie du langage», soit treize ans après notre première inscription !Ce fut une réussite en soi, non pas parce que j'ai eu une mention très honorable, mais c'est l'exploit d'avoir résisté à tous les blocages et les diatribes de l'ancien directeur du CRSTDLA. Au lieu de faire des productions scientifiques, on se contente de faire des rapports sur les blocages et les injustices dont on est victime. Je me suis battu depuis 2008 pour une inscription en doctorat d'orthophonie, moi et mon confrère le docteur Ali Bouazzouni. Si on postulait au Guinness, on serait lauréats du record du plus long cursus au monde depuis 1994 ! C'est dans les ténèbres qu'on connaît la valeur de la lumière, mais personnellement j'ai appris à respirer l'injustice, à subir la hogra dans l'université. Hélas, le mal n'est pas circonscrit au département de psychologie, des sciences de l'éducation et d'orthophonie de l'Université Alger 2, il gangrène l'université algérienne toute entière ! L'étape de l'état des lieux est connu et dépassé, il faut l'éradiquer, c'est le seul traitement : enseignants, étudiants dénoncez donc le mal là où vous le rencontrez ! En côtoyant les gens des sciences humaines (avec mes respects aux rares qui sont restés intègres), je me demande ce qu'ils ont d'humain. A vous de juger par ces quelques extraits des responsables du département de psychologie, des sciences de l'éducation et d'orthophonie de l'Université d'Alger 2 où j'ai voulu m'inscrire sous la direction du Pr Zellal, aphasiologie qui a accepté notre avant-projet de doctorat. Un ancien président du Comité scientifique du département m'a dit ceci : «Quoi ? Des médecins au département de psychologie ? Avez-vous vu un psychologue étudier avec des médecins ? Tant que je suis là, vous ne vous inscrirez jamais dans Mon département…» Son département ! Son successeur à la tête du CSD m'a dit ceci : «Votre dossier a déjà été étudié, notre réponse est claire. C'est vu et transmis…» (nodira wa houwila) en arabe… L'ancien président qui est resté membre de ce CSD (où aucun directeur de laboratoire n'est membre) et même après avoir reçu l'aval du ministère pour notre inscription, le chef du département de psychologie, des sciences de l'éducation et d'orthophonie, le Doyen de la FSHS, nous dira : «Pour un magistère en linguistique, il faut vous inscrire en littérature arabe et non pas en psychologie.» Nous lui avons appris qu'il s'agissait de «neurolinguistique» ; il n'avait même pas lu l'avant-projet. Un autre membre du CSD nous a réaffirmé la triste logique : «Mes confrères ont la tête dure, je les connais, s'ils ont dit non ils vont maintenir leur décision, même si…» (texte intégral sur le blog saor). A force d'obstination et d'assiduité, j'ai fini par avoir gain de cause : je suis désormais doctorant en orthophonie et chercheur au sein du laboratoire Slancom, et si je dois ma carrière à ma persévérance, je ne saurai omettre de citer la chance d'avoir rencontré cette Dame qui m'a appris à espérer en des lendemains meilleurs, tout en gardant un esprit scientifique. A défaut d'un changement radical au niveau du département, je lui souhaite d'être à la tête d'un département autonome d'orthophonie, demande faite par de nombreux chercheurs, enseignants et étudiants en orthophonie. A bon entendeur !