C'est en présence des autorités locales, de Saïd Abadou et des figures légendaires encore en vie de la wilaya IV historique que la population d'El Kantara a rendu hommage hier à l'un de ses plus valeureux enfants martyrs : le commandant Driss Amor lequel, grièvement blessé dans une bataille près de Boussaâda, sera fait prisonnier par les paras du colonel Ducasse alors qu'une quarantaine d'officiers de l'ALN, parmi lesquels Amirouche et Si El Haouès tomberont un à un au champ d'honneur, les armes à la main après avoir vendu chèrement leur vie. Le 28 mars 1959, un promontoire du Djebel Thameur, partiellement couvert de touffes d'alfa, va rentrer dans l'Histoire en tant que Cameron de la wilaya VI historique. En effet, la patrouille d'une quarantaine d'hommes, qui accompagnait une délégation de représentants des combattants de l'intérieur en direction de la frontière tunisienne, tomba dans une embuscade et fut, dès le lever du jour, encerclée de toutes parts par plusieurs corps d'armées : artillerie, fantassins, aviation et 2500 étrangers parachutistes de l'armée française ; l'objectif étant de faire prisonnier les deux chefs de wilaya. Agé à l'époque de 28 ans, Driss Amor, alors 1er adjoint de Si El Haouès, se distingua particulièrement dans cette bataille en abattant un chasseur bombardier T6 de l'armée de l'air française. Seul survivant grièvement blessé, il sera emprisonné à Djelfa dans le casernement du capitaine Gailot Lavallée. Soigné le jour par des médecins militaires, Driss Amor est torturé toutes les nuits pendant les deux mois que durera son martyre. Dans le magazine Historia n° 285 du 5 février 1973, François Milles atteste que Driss Amor « est resté de marbre pendant tous les interrogatoires auxquels j'ai assisté » et d'ajouter sans état d'âme : « bien que mourant, il continuera à être interrogé mais il ne desserrera jamais les dents. » Finalement, après deux mois de ce traitement inhumain sous surveillance médicale, la dépouille mortelle suppliciée de Driss Amor sera abandonnée à la sortie de la ville de Djelfa, ville où il sera inhumé à la fin de la première semaine de juin 1959. El Kantara s'enorgueuillit d'avoir vu naître, un 15 juillet 1931, le jeune Mohamed Driss Alias Amor Fayçal : « enfance perturbée, partagé entre la zaouïa, l'école primaire et les incursions, et autres excursions que nous faisions sous sa houlette dans les gorges profondes de l'oued El haï », se rappelle un de ses camarades de la communale. Jeune scout dans le même groupe que Larbi Ben M'hidi, ils seront vite remarqués par hamma Assami qui les enrôlera dans le PPA. Ce qui n'empêchera pas Driss Amor de faire régulièrement des virées à Alger. habitué de la rue de Tanger et grand amateur de la chanson chaâbi, le jeune Amor ne détestait pas l'ambiance des salles obscures où l'on projetait les classiques des westerns. « C'était une ‘‘tête brûlée'', un homme, un vrai de vrai », reconnaît un de ses compagnons d'armes. Et d'expliquer qu'il prenait plaisir à braver ses supérieurs de l'ALN, en continuant à fumer ses bastos et autres camélia sport et qui plus est, en autorisant ses djounoud à faire de même, alors que les instructions l'interdisaient formellement. Tous les anciens de la wilaya VI historique reconnaissent que c'est à la katiba de Driss qu'on confiait les missions les plus périlleuses comme le franchissement des lignes Challe et Morice et le convoyage des armes et minutions à destination des combattants de l'intérieur. Sa haute stature (1 m 90), un faciès à la John Wayne, sa sincérité et son franc-parler en imposèrent à plus d'un. Son courage légendaire n'a d'égal que sa fidélité à ses amis : n'a-t-il pas tenu tête aux colonels Lotfi et Boussouf, alors que simple officier de liaison il a défendu bec et ongles cheïkh Ziane, injustement accusé d'intelligence avec Bellounis ?