L'appréhension du « déjà vu, déjà entendu » s'était dissipée avec l'apparition sur le plancher d'un orchestre composé de jeunes musiciens et chanteurs. Ils sont issus de l'Institut régional de formation musicale (IRFM), créé en septembre 2004 à Annaba. L'appréhension disparaîtra totalement au fil des notes de la musique servie par l'ensemble classique universel. C'est dire que ce jeudi au Palais des arts et de la culture Mohamed Boudiaf, Driss Boudiba, l'organisateur de cette soirée mémorable, avait mis de côté les clochetons pour proposer à ses invités un répertoire de musique classique, andalouse et orientale qu'il convient d'entretenir. Les jeunes filles et garçons de l'IRFM ont magistralement interprété Adagio de Albinoni, Invention de Vivaldi et Valse n°2 de Schostakovitch. Ils se sont ensuite attaqués à des morceaux musicaux andalous plus marquants. D'une apparente simplicité dans la formulation, ces morceaux tranchent par l'alliance d'une certaine richesse des notes. Une descente chromatique et par tons en quelque sorte, caractéristique d'une musique harmonique où s'assemblent et se rejoignent accords mineurs et majeurs. Le moment fut véritablement sublime. Tout se passait comme si chaque musicien ou chanteur s'adonnait à une personnification d'une possibilité irréductible. Les spectateurs étaient envoûtés par le point d'ancrage de ces étudiants venus leur offrir leur fraîcheur et leur spontanéité, sous la direction de Kada Benchiha. L'on a senti que leur recherche de l'équilibre musical et choral était bien perçue et retenue par l'assistance. Rythmiques et mélodiques à la fois, les musiques et les chansons étaient stables. Elles étaient enrichies par une suite canonique d'accords. Parmi la vingtaine de jeunes filles et garçons musiciens de l'IRFM, Il n'y avait pas de hiérarchie. Le groupe représentait leurs 42 camarades du même institut. Ils étaient là, tous pour un et un pour tous dans un combat pluriel et singulier, dans lequel ils s'étaient engagés depuis 2 années bientôt. Jamais la musique à Annaba n'a atteint une aussi grande pureté stylistique, un cachet musical d'une rare universalité. Et lorsque de sa voix envoûtante Rym Hamida, forte de son expérience acquise en terre irakienne et en Algérie interpréta Ya Djazaïr, de notre grande Ouarda, ce fut le délire. Souad Bouali se chargera avec sa voix cristalline et combien ensorcelante de ramener son auditoire à vivre Wahran Wahran rouhti khssara. Accompagnée par un orchestre hors pair, Souad chanta plusieurs autres chansons tirées d'un répertoire très riche. L'intermède fut également un événement. Dans une comédie burlesque et porteuse d'un message contre l'ignorance, 3 jeunes, dont une jeune fille, donnèrent la plénitude de leurs talents de comédiens en devenir. Ce jeudi à Annaba, sous l'impulsion de Driss Boudiba, le directeur de la culture, la musique était devenue trop intelligente pour réussir de grandes choses et faire oublier des décors désuets. Elle était attendrissante et fabuleusement riche de notes dans lesquelles s'imbriquaient la vie, les scènes de la rue, l'actualité et la fantaisie, le rêve et la réalité. Un tapis sonore époustouflant et d'une sublime tonalité qui pulse et qui emporte l'adhésion immédiate. L'on rend ici hommage au directeur de l'IRFM de Annaba qui nous a débarrassés d'une sorte de masque grimaçant que l'on avait de tout temps collé à la musique locale. L'on est arrivé jusqu'à s'interroger s'il fallait passer par cet institut pour mieux connaître ce qu'est la musique. Ce jeudi, les mélomanes ont consolidé leur conviction que la lecture des notes reste le prolongement privilégié de l'écoute. La trajectoire des étudiants de l'IRFM est exemplaire... Elle mérite d'être encouragée pour permettre la création d'un orchestre philharmonique à Annaba. C'est là, leur ambition et celle de leurs encadreurs.