LIra, ira pas ? Bouteflika, à trois mois de l'élection présidentielle, maintient le suspense, pour ne pas dire le flou sur une perspective politique qui arrive à grands pas et qui est considérée par les spécialistes comme un tournant capital pour le pays. On ne sait pas si c'est lui personnellement qui agite la manœuvre pour faire douter ses adversaires potentiels, ou si cette stratégie du silence relève de son entourage immédiat sous la houlette éclairée de son frère Saïd à qui incombe en premier le contrôle du jeu. Personne en fait ne sait exactement ce que prépare le Président, ni quelle est son intention, encore moins sa motivation. Officiellement toujours en convalescence, c'est-à-dire sous haute surveillance médicale, Bouteflika ne communique plus, et depuis longtemps avec les algériens. Mais au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'échéance électorale, le clan présidentiel ne semble plus porté par son enthousiasme du début par lequel il voulait frapper les esprits pour entraîner les électeurs non pas vers une consultation ouverte avec toutes les surprises qu'elle peut avoir, mais plutôt vers un plébiscite d'un homme sans lequel point de salut pour l'Algérie. L'offensive qui avait commencé par une campagne de propagande délirante tournant essentiellement autour du culte de la personnalité digne de l'époque du zaïmisme qu'on croyait à jamais révolue, donne à ceux qui savent lire entre les lignes des signes évidents d'essoufflement avant terme. Les porte-voix autoproclamés du Président-candidat non déclaré, mis à part quelques ministres qui continuent de prendre leurs désirs pour des réalités, ne s'aventurent plus à prêcher dans le désert pour une probabilité qui devient de plus en plus chimérique. A l'image de la prudence qui caractérise désormais les propos du premier ministre dans ses déplacements à travers les wilayas, il y a comme une tendance à revoir à la baisse la théorie de l'homme providentiel qui doit absolument continuer sa mission. Le fidèle serviteur du Président sortant donne l'impression dans cette compétition qui ne le concerne pas directement de naviguer à vue et craint par dessus tout que les résultats, s'ils ne seraient pas conformes aux objectifs, pourraient avoir de fâcheuses conséquences sur sa carrière. C'est que le jeu de la présidentielle est en train de sombrer dans le pourrissement et le premier ministre ne peut l'ignorer. La violente charge de Saâdani contre le patron du DRS donne toute l'ampleur de la guerre larvée que se livrent les clans engagés dans la bataille. C'est cela qui pousse sûrement Sellal à se mettre en retrait derrière sa fonction, préférant la langue de bois aux annonces aléatoires qui ne sont plus sûres à cent pour cent d'aboutir. Ce recul pourrait signifier, pour les observateurs avertis, que rien n'est encore joué avec ou sans Bouteflika sur la ligne de départ. Certains disent même que gonflée à bloc pour impressionner l'électorat non acquis d'avance, la candidature de Bouteflika paraît de moins en moins performante en raison de son état de santé qui remet en cause toutes les projections qui se sont profilées sur son dos. Dans la foulée, l'opposition qui n'arrive pas à trouver ses marques pour contre-attaquer efficacement, parle carrément d'instrumentalisation du Président sortant par les membres du clan pour des intérêts qui les intéressent en premier chef. Ainsi donc, la présidentielle qui devrait constituer un événement majeur pour l'avenir du pays tourne en une vulgaire course aux avant-postes pour le maintien d'un système que les Algériens n'acceptent plus. Et si donc Bouteflika ne veut pas de ce quatrième mandat ? Voilà une question que personne ne se pose alors qu'elle est essentielle dans la confrontation qui s'est engagée et que certains veulent qu'elle soit menée dans un cercle fermé. Existe-t-il dans cette optique un contre-courant qui militerait pour l'instauration, à travers cette élection, d'une véritable alternance politique, et qui donc s'opposerait fermement à la reconduction d'un Président malade qui laisse au bout de trois mandats un pays à la dérive ? Un contre-courant évidemment qui peut avoir un rapport de force capable de renverser la tendance lourde de la présidentielle ? Que faut-il retenir de l'attaque frontale menée par le chef parachuté du FLN contre le puissant service de renseignement, alors que jusque-là cette institution n'a jamais été publiquement traînée dans la boue. Y a-t-il des lézardes dans le clan présidentiel qui le poussent à autant de férocité pour survivre ? Tout est possible dans ce jeu politique à l'algérienne, où les véritables animateurs avancent toujours à visage masqué. Ce qui est montré au public, c'est la face visible de l'iceberg. Comme par exemple ce relais médiatique qui est, vaille que vaille, maintenu par une brochette de ministres kamikazes qui veulent encore croire au miracle dans une partie de poker où les cartes ont tout l'air d'être truquées. Il faut entendre Ghoul ou Benyounes pour avoir une idée sur le forcing entrepris pour ouvrir la voie royale non pas à un candidat ordinaire, mais à un véritable messie auquel les Algériens doivent se soumettre. La rengaine devient ridicule quand tout le monde sait à quoi rime cette servitude calculée.