L'escalade dans l'ignoble. On en est arrivé là. Et pour comble, voilà qu'ils se disputent en plein jour ! Comme Courteline, j'ai envie de crier : «Oui, vos ordures ! C'est ragoûtant, peut-être, ce que vous faites là ! » N'en jetez plus, et surtout taisez-vous, les enfants vous écoutent ! A deux mois de la présidentielle, ce que nous voyons, entendons est d'une indignité rare, les charognards nous ont volé la parole en ce moment crucial. Nous savions que notre pays souffrait d'un effondrement politique tel qu'il avait entraîné jusqu'au plus petit espoir, que ce désastre nous laissait KO sur le champ de bataille exténués par les jeux de masque qui dépassaient l'entendement. Nous sommes laissés dans un vide sidéral. Mais fallait-il combler ce désert par tant d'ignominies ? Ah ! Ces visages dont on nous accable, qui s'offrent en pleine lumière, qui restent dans l'ombre, vieillis par les ors et les mensonges, ils sont comme grimés pour un film de série B, marqués, burinés, momifiés par tant d'années de pouvoirs absolus, de népotisme sans frein ni loi. Ils se sont figés dans un portrait de «famille» à effrayer les plus instruits du roman familial. La vie, la vraie vie les aurait fuit, vont-ils nous entraîner dans une mort collective? Est-ce le prix à payer à la démocratie que cette descente aux enfers ? Nous sommes dans une machine infernale qui n'épargne personne, lancée dans le vide par une main dont on peine à croire qu'elle pourra l'arrêter. Est-ce le seul chemin qui nous reste, celui de la mémoire livrée aux charognards, de l'exposition de vrais cadavres, sinon de vraies révélations ? En guise de jasmin, n'aurons-nous que les relents nauséabonds qui s'élèvent de la société politique en pleine décomposition où la bouffonnerie le dispute à la tragédie, le mensonge à la manipulation ? Et ceux-là qui prétendent représenter le changement, du moins l'alternative et qui attendent dociles, patients que les mêmes les adoubent, qui pourraient-ils convaincre ? Où en est la nuit ?, demande Macbeth à Lady Macbeth. Elle répond : elle commence à lutter avec le matin. Et elle perdra. Alors aussi loin que nous entraîne l'ogre de l'enfance attardée de ce pays, comme le Petit Poucet, semons les cailloux blancs qui seront le chemin pour revenir des destructions qui se préparent. Ecrivons, lisons, filmons, dansons, peignons, plantons des arbres. Aimons, résistons aux alambics de haine en plein rendement. Campons sur le principe de l'espérance qui est la dignité propre à l'être humain. «Tôt ou tard, je le répète/quelqu'un viendra de très loin/Et réclamera sa part de bonheur/Et vous accusera d'un malheur/Dont vous êtes l'acteur.» Youssef Sebti, assassiné d'une balle dans la poitrine et une dans la gorge dans la nuit du 27 au 28 décembre dans son lit à l'Institut national d'agronomie.