La fille du roi d'Espagne, l'infante Cristina, a été entendue hier par un juge de Palma de Majorque, aux Baléares, qui l'a mise en examen pour fraude fiscale l Un rendez-vous judiciaire sans précédent pour une monarchie affaiblie. Assise dans un fauteuil de velours rouge, dans une salle d'audition dominée par le portrait officiel de son père, le roi Juan Carlos, Cristina, 48 ans, a commencé à répondre aux questions du juge José Castro, qui instruit ce dossier explosif. Le magistrat soupçonne la plus jeune des filles du roi d'avoir coopéré avec son mari, l'ancien champion olympique de handball, Iñaki Urdangarin, mis en examen le 29 décembre 2011 et suspecté d'avoir détourné, avec un ex-associé, 6,1 millions d'euros de l'argent public. L'infante Cristina a déclaré, lors de son audition, qu'elle «avait confiance» en son mari, soupçonné de détournement de fonds publics, et a pris ses distances avec les activités de ce dernier, a affirmé l'avocat de la partie civile. A l'écart du bâtiment cerné par la police, quelques dizaines de manifestants s'étaient rassemblés, réclamant «justice». Détaillée dans un arrêt de 227 pages, la mise en examen de l'infante est tombée au mois de janvier comme une bombe : longtemps ultraprotégée, aujourd'hui assaillie par les scandales, la monarchie espagnole découvre qu'elle n'est plus intouchable. A 76 ans, après 38 ans de règne, Juan Carlos montre le visage d'un roi fatigué, appuyé sur des béquilles. Si «l'affaire Urdangarin» a amorcé, il y a deux ans, une chute catastrophique de son image, le scandale est aussi venu en 2012 d'une coûteuse escapade au Botswana, pour une chasse à l'éléphant qui a choqué une Espagne meurtrie par la crise. Au point que le tabou est aujourd'hui levé sur une possible abdication au profit du prince Felipe qui incarne, à 46 ans, l'espoir de la monarchie. Juan Carlos, un roi fatigué Empêtrée dans le scandale, la maison royale espère maintenant en finir au plus vite avec ce que son chef, Rafael Spottorno, qualifiait publiquement de «martyre». Au printemps 2013, une première mise en examen pour trafic d'influence avait été annulée à la demande du parquet. Le juge, toujours contre l'avis du procureur, s'est alors orienté vers des soupçons de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux via la société Aizoon, que l'infante détient pour moitié avec son époux et dont les caisses auraient été alimentées, pour environ un million d'euros, par de l'argent public détourné par ce dernier. La comptabilité de Aizoon fait apparaître, à partir de 2004, des dépenses consacrées à la rénovation de la villa familiale à Barcelone, pour 436 703,87 euros, ou d'autres, privées, pour 262 120,87 euros. José Castro a épluché toutes ces dépenses, dans un arrêt truffé de références à des factures suspectes. Comme ce «cours de salsa et de merengue dispensé au domicile familial» dont le rapport avec les activités d'Aizoon «semble assez difficile à démontrer». «Les délits contre le fisc, qui sont reprochés à Iñaki Urdangarin, auraient difficilement pu être commis s'ils n'avaient pas, pour le moins, été connus et approuvés par son épouse», concluait le juge. Pour le parquet, au contraire, «il est impossible que la fraude atteigne le seuil des 120 000 euros» annuel, nécessaire pour constituer un délit en Espagne. Après cette audition, le juge Castro devrait rapidement clore l'instruction ouverte en 2010 ; il décidera alors si «l'affaire Noos», du nom de la fondation à but non lucratif présidée entre 2004 et 2006 par Iñaki Urdangarin, débouchera ou non sur un procès.