Une semaine presque après la sortie iconoclaste de Amar Saadani, le mystère demeure entier quant à la position de la haute hiérarchie militaire. Première grosse réplique au réquisitoire ad hominem de Amar Saadani contre l'Etat- DRS et sa justice «hors la loi». C'est par une tribune hautement inspirée (in El Watan, samedi 8 février) que Mohamed Charfi, ancien ministre de la Justice (en 2002/2003 et en 2012/2013) et (ancien) conseiller du président Bouteflika, s'est attelé à défendre l'Etat et sa lutte anticorruption assimilée à une chasse aux sorcières et surtout à laver, à grande eau, l'honneur des magistrats, des officiers du renseignement, de l'armée... et du président Bouteflika «outragés» par les déclarations ombrageuses du secrétaire général du Front de libération nationale. Servie par une rhétorique de «commis de l'Etat» en lévitation, la tribune de Charfi n'apportera pas moins sa dose de charge violente, des témoignages accablants, des mises en accusation franche, des rappels à l'ordre et même des menaces en direction du patron du FLN, agitant le spectre d'un renvoi… devant le tribunal pour, entre autres, avoir «mis à l'index nos services spéciaux» durant l'attaque spectaculaire du site gazier de Tiguentourine. «Si Amar (Saadani), écrit en guise de dernière sommation l'ex-ministre de la Justice, je vous conseille amicalement de bien lire l'article 75 du code pénal avant de vous lancer dans de nouvelles diatribes car, en raison de vos fonctions éminemment influentes à la tête du FLN, vos paroles seraient susceptibles de tomber sous sa qualification.» Pour Mohamed Charfi, cette «mise à l'index des services de renseignement s'apparente plus à un regret du succès de nos forces armées qu'à un souci de sécurité nationale. Cela me rappelle ce journal d'un pays voisin, au début des années 1990, qui titrait alors, à la une, comme une délectation, ‘L'Algérie est devenue une impuissance régionale'. Alors, Si Amar, est-ce ce rêve déçu que vous aimeriez voir se rééditer ?», interroge l'ancien membre du gouvernement. L'article 75 en question punit «de la réclusion à temps, de cinq à dix ans, quiconque, en temps de paix, a participé en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation de l'armée ayant pour objet de nuire à la défense nationale». L'article 68 du même code stipule que le droit de mettre en mouvement l'action publique appartient, «dans tous les cas, au ministre de la Défense nationale». Ce droit «peut être exercé également sous l'autorité du ministre de la Défense nationale, devant les tribunaux militaires permanents, par le procureur militaire de la République». Une semaine presque après la sortie iconoclaste de Amar Saadani, le mystère demeure entier quant à la position de la haute hiérarchie militaire. L'ordre de poursuite (non éligible au recours) a-t-il été donné ? Existe-t-il des velléités de sacrifier le «soldat Toufik» en ne donnant pas une suite (judiciaire) aux accusations lancées par Amar Saadani contre le DRS ? Des questions en suspens, tout comme l'est cet étrange silence de l'institution militaire, donnant lieu à un foisonnement de conjectures et interprétations diverses.