Dans un message publié sous forme de contribution, l'ancien ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Charfi, vient de confirmer que les propos du secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, tels que livrés dans un récent entretien, sont passibles de poursuites judicaires, en vertu de l'article 75 du Code pénal. «Je vous conseille amicalement de bien lire l'article 75 du Code pénal avant de vous lancer dans de nouvelles diatribes car, en raison de vos fonctions éminemment influentes à la tête du FLN, vos paroles seraient susceptibles de tomber sous sa qualification», a suggéré l'ancien ministre. Selon lui, «cette mise à l'index de nos services spéciaux s'apparente plus à un regret du succès de nos forces armées qu'à un souci de sécurité nationale». En rappelant un journal d'un pays voisin, au début des années 1990, qui titrait alors, à la une, comme une délectation, «L'Algérie est devenue une impuissance régionale», M. Charfi interrogera si c'est «ce rêve déçu que vous aimeriez voir se rééditer ?», et ce, avant d'exprimer sa gratitude à tous les chefs des services de sécurité engagés dans l'opération de Tiguentourine en indiquant qu'il est «aujourd'hui, en tant que citoyen fier de son armée, fier de sa Gendarmerie nationale et de sa police, fier des services secrets de son pays». Dans sa contribution publiée par le quotidien El Watan, M. Charfi a répondu point par point aux déclarations de Amar Saâdani : DRS, scandale Sonatrach, extradition de Khalifa, Tiguentourine, Bouteflika... S'adressant au SG du FLN, l'ancien ministre rappelle que, depuis le mois de septembre 2013, et plus précisément depuis le remaniement ministériel, Saâdani Amar, a, de façon récurrente, exprimé des critiques à l'encontre de la justice algérienne dans sa gestion de l'affaire Sonatrach 2. Mais, il relève que le cap a été franchi dans sa déclaration du 3 février 2014, en prétendant que la justice a été instrumentalisée dans ce dossier et dans celui de l'extradition, fin 2013, de Abdelmoumen Khalifa. «N'est-ce pas, Si Amar, vous qui êtes venu, le jour même de votre installation à la tête du FLN, me proposer amicalement de préserver mon poste de ministre de la Justice en m'engageant à extirper M. Chakib Khelil de l'affaire Sonatrach 2, ‘‘comme on extirpe un cheveu d'une pâte'' (selon votre expression). Ma réponse, vous le savez, fut de fermer mon portable jusqu'à après la fête de l'Aïd El Adha, c'est-à-dire bien longtemps après le remaniement ministériel», a indiqué M. Charfi. Rappelant aussi que le président de la République avait solennellement et publiquement apporté son soutien à l'action de la justice dans l'affaire Sonatrach 2 en affirmant sa totale confiance en elle, M. Charfi, interpellera le SG du FLN en lui signifiant que toutes ses déclarations sur la justice «comportent implicitement une contradiction au discours et à l'action du président de la République dans la lutte contre la corruption». En affirmant «faussement» que le BCN Algérie refusait de transmettre les mandats d'arrêt, il remet en cause «implicitement et juridiquement les autorités politiques du pays et non sa justice». Hormis le fait qu'il confirme que l'extradition de Khalifa n'aurait pas été obtenue sans l'investissement personnel du président Bouteflika, il devrait s'interroger, si son but était de «servir Bouteflika ou même l'Algérie». Après avoir rappelé que des enquêtes économiques ont toujours été menées par les services secrets depuis l'indépendance de notre pays, il a précisé qu'«il a fallu attendre 1990 pour qu'un groupe de travail sur la restauration de l'autorité de l'Etat, mis en place au niveau du ministère de la Justice sur instruction du chef du gouvernement, le défunt Kasdi Merbah, propose, parmi ses recommandations, d'attribuer légalement aux officiers et agents nommément désignés par les services, la qualité d'officiers et d'agents de police judiciaire (...)». La mise en place d'un véritable service de police judiciaire au niveau des services, sous la mandature de Abdelaziz Bouteflika, fut une consolidation de cette démarche d'édification de l'Etat de droit, ajoutera-t-il. S'adressant directement à Saâdani par «Si Amar», l'ancien ministre de la Justice abordera l'avenir politique du président Bouteflika en indiquant que «Bouteflika, n'appartient à personne, à aucun parti ; il appartient au peuple qui l'a élu et lui seul a la responsabilité historique de décider de son avenir. Nul ne peut douter de son intelligence et de son patriotisme, et M. Bouteflika saura, lui seul, en son âme et conscience, le moment venu, fixer les paramètres de sa trajectoire future». Mohamed Charfi affirme qu'il se met du côté du président Bouteflika contre les effets néfastes des sorties de Saâdani, et estime qu'«une agrégation d'autant de bévues chez un seul homme en un laps de temps si court s'apparente à un forçage de mandat, si mandat il y a. Ceci autoriserait alors de supposer l'existence d'un mobile caché qui dépasse celui du soutien à un autre mandat pour le Président et laisse place à toute interrogation quant aux véritables motivations». En relevant aussi la conjoncture difficile que traverse le pays, à propos de laquelle il affirme que «l'Algérie est dans l'œil du cyclone», M. Charfi recommande de «faire preuve de sérénité», et «de contribuer à instaurer une véritable culture du dialogue». La classe politique, les partis, surtout le FLN dont la responsabilité est particulièrement soulignée, sont interpellés, en vue de «dépasser leurs propres intérêts pour préserver l'essentiel, qui est l'avenir des générations futures». R. I.