Le poisson lièvre est impropre à la consommation, voire mortel dans certains cas. Lapin ou lièvre ? C'est la grande question qui fait débat actuellement dans les milieux des pêcheurs algériens qui ont ramené la semaine dernière dans leurs filets quelques spécimens de lagocephalus, un poisson impropre à la consommation, qui a récemment colonisé certaines régions de la Méditerranée. La première alerte est venue des côtes de Ténès, au nord-ouest de la wilaya de Chlef, lorsque des pêcheurs des villages de Sidi Abderrahmane et de La Marsa avaient ramené dans leurs filets deux spécimens de cette espèce de poisson. Quelques jours après, des prises de lagocephalus sont effectuées dans plusieurs parties du littoral, notamment à Skikda et Annaba. Peu connu jusque-là, ce poisson a fini par attirer autant la curiosité que la méfiance des milieux de la pêche artisanale. «Au début, on était un peu étonnés de rencontrer ce type de poisson, rare sur nos côtes», affirme Mustapha Fardjallah, président de la Chambre de la pêche de la wilya de Chlef. Le nombre pêché de cette nouvelle espèce de poisson herbivore «est minime pour le moment. Nous ne savons pas exactement quel est son nombre et ses habitats, sur notre côte», ajoute M. Fardjallah. «Pour en savoir plus, il faudra attendre le retour du redoux, vers la mi-mai, lorsque les petits métiers vont à nouveau sortir en mer en nombre, pour savoir si ce type de poisson est nombreux sur notre littoral, ou s'il ne fait que passer», explique-t-il. Dans une première réaction à l'apparition de ce poisson rare sur les côtes algériennes, mais déjà largement connu en Méditerranée orientale où il est consommé, le CNRDPA a affirmé qu'il s'agit du lagocephalus, ou poisson lièvre. Mohamed Etsouri, chercheur au CNRDPA, a affirmé que cette espèce de poisson est endémique à la Mare Nostrum, mais que son «comportement par rapport à son milieu naturel est peu connu. Il est apparu récemment en quantité plus importante que d'habitude sur les côtes d'Annaba, Jijel et Chlef». Lièvre ou lapin, choix toxique. Confondu avec le poisson lapin, qui se divise en deux espèces (siganus luridus et siganus rivulatus) et que les Moyen-Orientaux appellent «arnab» (lapin), le lagocephalus sceleratus est une espèce «invasive», qui a colonisé depuis quelques années la Méditerranée, selon des observations de scientifiques algériens du CNRDPA et du laboratoire de bio-ressources marines d'Annaba. Les prises de cette espèce, dite «exotique», car non originaire de la Méditerranée, se sont multipliées ces derniers jours, au point de susciter les interrogations de la communauté scientifique et des pêcheurs sur sa probable prolifération sur les côtes algériennes. Egalement appelé tétrodon, le lagocephalus sceleratus serait arrivé depuis peu en Méditerranée, selon des observations de scientifiques. Et, tout comme les deux espèces de «poisson lapin», il est impropre à la consommation. Pire, il serait même mortel, car ses viscères et sa peau sont riches en tétrodotoxine, une toxine mortelle. Plusieurs décès ont été observés en Israël, au Liban, en Syrie, en Turquie et en Grèce après consommation de ce poisson herbivore très toxique. Le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques a d'ailleurs diffusé un «warning» à toutes les pêcheries du pays et en direction des consommateurs sur la dangerosité de sa consommation. Par contre, les deux genres de poisson lapin, deux grands herbivores, communs en Méditerranée orientale (Liban, Palestine, Egypte, etc.), s'ils sont comestibles, provoquent néanmoins des effets hallucinogènes, comme la saupe (tchalba), qui peuple la Méditerranée.