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L'Algérie en droit de demander réparation à la communauté internationale
Préjudice économique de la décennie noire
Publié dans El Watan le 10 - 02 - 2014

L'Algérie a payé un très lourd tribut au terrorisme islamique contre lequel elle a âprement lutté plus d'une décennie durant, seule et mal comprise par des Etats qui, par conviction ou par calcul, lui reprochaient d'avoir provoqué le conflit en privant la partie adverse d'une victoire électorale avérée.
Le temps et les graves événements qui surviendront, notamment le 11 septembre 2001 à New York, mettront subitement fin à cette certitude qui avait tant nui à l'Algérie, en observant d'un œil moins complaisant la mouvance islamique qui avait failli prendre le pouvoir en Algérie et entamait une fulgurante ascension à travers le monde en mettant en danger la sécurité de certains pays occidentaux (attentats dans les métros de Paris, Madrid, Londres et New York).
La perception du terrorisme en général mais, sans doute encore plus, le terrorisme islamiste a depuis ces tragiques événements fait consensus international contre lui, et l'Algérie en est même devenue le symbole de cette lutte acharnée, que l'Organisation des Nations unies et de nombreux Etats recommandaient de mener contre ce fléau qu'on venait de découvrir.
Si justice lui fut effectivement rendue par la communauté internationale (notamment l'ONU) à travers la reconnaissance des actions qu'elle a menées pour contrecarrer la marche des islamistes vers la prise de pouvoir et barrer la route aux djihadistes qui commençaient à s'attaquer directement aux intérêts de pays aussi nombreux que divers (France, Espagne, Grande-Bretagne, USA, Russie, Indonésie, Nigeria, Irak, Afghanistan, Somalie etc.), l'Organisation des Nations unies n'a, cependant, jamais gratifié notre pays d'une mesure réparatrice, fut-elle symbolique, comme l'avait suggéré à juste titre l'écrivain et journaliste Nordine Grim dans son dernier ouvrage Entrepreneurs, pouvoir et société, en reconnaissance à cette longue et douloureuse lutte aujourd'hui devenue un objectif universel. L'Algérie a en effet payé un très lourd tribut au combat frontal qu'elle a mené contre cette insurrection qui lui a coûté des dizaines de milliers de victimes et un très lourd préjudice économique.
Bien que le préjudice économique résultant de destructions massives d'actifs (usines, engins, biens immobiliers, arrêts de production, etc.) reste à évaluer avec davantage d'exactitude, le ministère des Finances avait estimé, en 1998 déjà, la valeur des actifs détruits par les terroristes à environ 20 milliards de dollars et, à presque autant les manques à gagner financiers dus aux arrêts de travail et reports d'investissements induits par les actes subversifs.
Coup dur pour l'économie
La décennie noire a effectivement constitué un coup très dur pour la société algérienne et, notamment, pour son économie qui, non seulement perdra d'importants actifs industriels objets de sabotages, mais, plus grave encore, retardera la mise en œuvre d'importantes réformes politiques et économiques devant instaurer davantage de démocratie et instaurer définitivement l'économie de marché en Algérie.
C'est en grande partie ce qui explique qu'après une vingtaine d'années de réformes économiques et politiques fortement perturbées par la gravité des événements, la faible avancée, pour ne pas dire le recul, du processus de réforme lancé en 1990.
Cette dynamique de changement qui devait engendrer d'importantes ruptures systémiques sera effectivement compromise durant toute cette sinistre période durant laquelle la communauté internationale avait, de surcroît, abandonné l'Algérie à sont triste sort. Cette «non assistance à peuple en danger» avait, on s'en souvient, culminé avec le boycott durant plus d'une décennie des aéroports algériens par pratiquement toutes les compagnies aériennes étrangères. Au regard de nombreux pays étrangers, le gouvernement algérien était considéré comme coupable d'avoir spolié un parti politique de sa victoire électorale et devait donc en payer le prix par une mise au ban de la communauté internationale. Le malheur n'arrivant jamais seul, l'Algérie en cessation de paiement durant cette dure période était également confrontée aux injonctions du FMI qui lui faisait obligation de mettre à exécution de douloureux ajustements structurels en échange d'une légère oxygénation financière. Mais la pire des conséquences de la décennie noire est, sans aucun doute, le primat quasi obsessionnel du sécuritaire sur tous les autres aspects de la vie économique et sociale pour lequel les autorités algériennes vont durablement opter. Au nom de cette obsession sécuritaire, ces dernières justifieront toutes sortes de régressions et de mises au placard des réformes visant à donner un mieux-être économique, une meilleure gouvernance et l'accès progressif aux bienfaits de la démocratie.
C'est par cette obsession de la sécurité que les autorités politiques algériennes, notamment celles en poste depuis 1999, justifieront la poursuite de l'état de siège, les déploiements de forces de l'ordre à travers tout le pays, le blocage des réformes politiques et sociales, la remise en cause de la liberté d'entreprendre, le verrouillage du champ audiovisuel, etc. L'option pour le tout sécuritaire a permis au pouvoir de reprendre pratiquement toutes les prérogatives de surveillance et de mise au pas de la société, que les événements d'octobre 1988 lui avaient fait perdre.
C'est une option qui coûte évidemment très cher au pays, qui doit recruter, équiper et entretenir des corps constitués (environ 350 000 hommes) qui engloutiraient au bas mot entre 4 et 5 milliards de dollars chaque année.
L'action du pouvoir central étant principalement centrée sur les questions sécuritaires au détriment de celles ayant trait aux secteurs productifs, l'industrie a enregistré durant cette sinistre période un recul sans précédent dont elle n'arrive toujours pas à se relever. La régression dramatique qui affecte le secteur industriel (qui ne représente que 3,5% du PIB aujourd'hui) a, de surcroît, livré des pans entiers de notre économie aux mafias de l'informel qui influent aujourd'hui considérablement sur les enjeux politiques et économiques. C'est sans doute là l'une des plus graves conséquences de la décennie noire, dont on n'a malheureusement pas encore pris la mesure des dangers qu'elles pourraient faire subir à terme à un pays considérablement fragilisé par cette longue insurrection terroriste et les intrigues politiques qui, souvent, la sous-tendent.


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