Il a osé le faire. Accroché au pouvoir tel un monarque, Abdelaziz Bouteflika a fait le choix de maintenir le pays dans un périlleux blocage historique. Malgré son bilan politique désastreux et son état de santé incertain, il a décidé de rempiler. A l'image du système politique invalide, c'est un président-candidat malade qui brigue un quatrième mandat. Après de longs jours d'incertitude, le pouvoir vient de mettre un terme à un (vrai-faux ?) suspense. Et c'est le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, de surcroît président de la Commission nationale de préparation de l'élection présidentielle, qui a annoncé officiellement la candidature de Abdelaziz Bouteflika à sa propre succession. La Présidence a confirmé quelques instants plus tard, via un communiqué, la candidature officielle de Bouteflika. Le Président a fait déposer auprès du ministère de l'Intérieur sa demande de candidature et a fait retirer les formulaires nécessaires pour collecter les signatures de parrainage. La Télévision nationale, mise à profit, diffuse en boucle l'information. Un précédent. Une annonce par procuration. Violation flagrante de la loi. Moins de 48 heures après sa publication, la directive présidentielle sur la neutralité de l'Etat et de l'administration relative à l'organisation de l'élection en prend un sérieux coup. Ce sont donc les deux institutions de l'Etat qui parrainent la candidature du Président sortant. Et non le candidat lui-même. Un signal fort aux concurrents et à l'opinion publique nationale que l'échéance du 17 avril prochain sera hermétiquement verrouillée au profit du candidat du système. Un passage en force pour reconduire le statu quo. Car la question reste en effet posée de savoir pourquoi un tel procédé qui risque fort bien de signifier un mépris total infligé aux Algériens. Serait-ce alors un cas d'incapacité physique avéré du candidat du pouvoir ? Auquel cas, il est judicieux de s'interroger sur la candidature elle-même. A rappeler en effet que depuis son hospitalisation, le 27 avril 2013, au Val-de-Grâce, suite à un accident vasculaire cérébral, Abdelaziz Bouteflika, à 77 ans, n'exerce plus sa fonction de Président. Contraint à une convalescence qui s'éternise depuis son retour au pays, il n'a quitté sa résidence médicalisée de Sidi Fredj qu'une seule fois pour «un contrôle routinier» à Paris. L'opposition n'a pas cessé d'appeler à la convocation de l'article 88 de la Constitution pour constater la vacance du pouvoir et déclarer l'état d'empêchement. Sidérée, l'opinion publique nationale découvre, à intervalles réguliers et à chaque fois qu'il reçoit dans sa résidence privée quelques dirigeants étrangers de passage à Alger, un Président extrêmement affaibli par la maladie. Les multiples appels pour céder le pouvoir à l'occasion de l'élection présidentielle, permettant l'amorce d'un processus d'un changement démocratique, ont été outrageusement ignorés. Le dernier quinquennat, s'il a été marqué par une gestion des affaires publiques par procuration – au point de soulever d'ailleurs des suspicions sur les véritables détenteurs des leviers du pouvoir – a aussi permis de lever le voile sur les tares d'un système politique qui a étalé au grand jour une guerre des clans sur fond d'enjeux de pouvoir autour de la succession. Bouteflika a fini par imposer sa propre feuille de route, face à une opposition politique quasiment réduite au silence à coup de lois scélérates et de répression policière. «Si une forte réaction n'intervient pas rapidement, le pays tombera définitivement dans un état de résignation dangereux», a réagi, hier, l'opposant Djamel Zenati, qui appelle les forces politiques à un «congrès national».