De l'échec du système économique algérien Sour El Ghozlane, bourg de la wilaya de Bouira, rythmé par sa cimenterie et les barons gravitant autour. Si camions et bétonnières sont agglutinés à l'entrée de l'usine, au bord d'une route de campagne en gruyère, altérée par le passage incessant des poids lourds, c'est aujourd'hui une toute nouvelle attraction qui attise les convoitises. Le marché aux véhicules d'occasion séduit vendeurs et futurs acquéreurs de véhicules d'occasion. L'engouement est justifié par le principe étrange des échanges sur ce marché. Le propriétaire des lieux propose d'acquérir des véhicules un cran au dessus des prix du marché pour les céder au meilleur prix, soit aussi bas que le permet l'opportunité. Le principe est simple : si le vendeur souhaite tirer le meilleur prix de son véhicule, il devra attendre un délai 55 jours pour être payé. De son côté, si un acheteur veut acquérir un véhicule au meilleur prix, il devra le payer cash. L'initiateur de l'idée, un certain Moulay Salah, a trouvé ce subterfuge pour s'assurer des liquidités d'une certaine importance pour financer ses investissements dans divers secteurs. L'ancien mathématicien estime ainsi avoir trouvé le palliatif à un système bancaire défaillant et à un système économique en total échec. Mais si l'on peut toujours trouver à redire concernant ses opérations commerciales, lorsqu'il recycle le cash amassé dans la filière à conteneurs, il n'en démord pas : son activité ne relève pas du commerce classique, d'autant que le négociant d'hier se découvre les ambitions de chef d'entreprise. Il souhaite se professionnaliser et quitter les sentiers de l'informel. Sur 17 hectares de terrains qu'il a acquis, les projets se multiplient : plateformes commerciales, zone d'activités, cliniques, projets immobiliers en plus d'un centre commercial qui prendra place sur le site d'un vieux Monoprix acquis récemment et en cours de rénovation. Mais pas question de recourir, selon lui, aux aides d'un Etat ayant consommé l'échec de ses politiques économiques. Ni à des banques défaillantes. Ce qui laisse supposer que l'homme dispose de la surface financière suffisante pour prendre en charge ses plans. Il reprend à ce titre le propos de Abdellatif Benachenhou estimant que le système bancaire algérien est une menace pour la sécurité nationale et qu'il n'est pas question de déposer des avoirs dans une banque archaïque, de laquelle il devient impossible de retirer ses fonds sans passer par d'innombrables tracasseries administratives. Quant à la crainte de se voir épinglé pour des questions relatives aux chèques et aux factures, Moulay Salah les balaye d'un revers de la main, estimant qu'il n'est rien de plus facile en Algérie de vendre sans facture ou d'acquérir des factures si besoin est. Le fait, selon lui, réside dans l'inexistence d'un système économique algérien. Un pamphlet, des propos crus qui incitent à comprendre pourquoi le cash a encore de beaux jours devant lui.