Une troisième assemblée générale sera tenue demain pour statuer sur un soutien ou non à la candidature du président de la République sortant. La course à l'allégeance fait rage en cette veille de joute électorale. Si l'on s'était habitué aux porte-voix de la «société civile» et autres «formations politiques», et à l'étalage de leur parade partisane et de leurs plus belles courbettes, la contagion touche tout autant le monde des affaires, damné et condamné à faire vœu d'obéissance. Contamination qui risque même d'emporter dans son sillage le Forum des chefs d'entreprises, considéré comme la plus importante organisation patronale du pays, et sa sacro-sainte cohésion. Rendez-vous est donné, une troisième fois de suite ce jeudi pour une assemblée générale devant statuer sur un soutien ou non – qui sait ? – à la candidature du président de la République sortant, Abdelaziz Bouteflika, pour un 4e mandat. Si le président de l'organisation patronale tente un exercice d'équilibriste pour rassurer ses compères quant au caractère démocratique et transparent des consultations, la tension demeure palpable. Il est vrai que Réda Hamiani insistait, hier lorsque nous l'avions interrogé, sur le fait que chacun des membres du FCE pouvait exprimer librement et de manière indépendante son avis sur la question proposée à l'ordre du jour de l'AG, via un vote à bulletins secrets. Cependant, les doutes persistent quant à l'adhésion de la majorité des membres du FCE. Ainsi et au moment où Abdelaziz Bouteflika n'avait rien annoncé à propos de ses intentions pour rempiler, la direction du FCE s'était empressée de convoquer en février dernier une AG pour l'appeler à briguer un 4e mandat. AG que la majorité des membres de l'organisation patronale avaient choisi de boycotter, avant qu'un nouveau rendez-vous ne soit fixé pour le 26 février. Réunion une nouvelle fois reportée. Si les absences répétées des patrons avaient au départ été mises sur le compte de la prudence, il semble tout à fait clair, qu'il existe aujourd'hui une forme de rejet qui se manifeste à l'intérieur de l'organisation patronale. Le patron du FCE, qui avoue ignorer dans quelle mesure la nouvelle AG pourrait rassembler les membres de son organisation, tance toutefois que si «la direction du FCE souhaite fédérer le maximum d'assentiments à la décision qui sera prise jeudi, il faudrait savoir que la loi en vigueur permet à l'AG de prendre une décision quel que soit le nombre de participants», et qu'il n'y en cela aucun quorum clairement défini. Les mauvaises langues diront que la décision est jouée d'avance et que le FCE ira comme à son habitude vers un appui indéfectible au Président sortant, via une motion de soutien, et même, comme certains le prétendent, une levée de fonds. Cependant, c'est un tout autre enjeu qui devrait préoccuper les dirigeants de l'organisation patronale, dès la fin de l'AG. Celui de l'avenir du FCE en tant qu'organisation patronale solidaire et pesant de tout son poids sur les politiques économiques. Pressions… Car celui qui avait choisi de s'engager en politique par réalisme et pragmatisme sent le piège de la conscription politique se refermer. Quoi de plus naturel que d'évoquer aujourd'hui un désengagement politique du FCE. Les risques de scission sont bien présents, et transparaissent d'ailleurs dans le propos développé par le patron des patrons. Celui-ci estime d'ailleurs qu'il est nécessaire aujourd'hui pour le FCE, du moins après la réunion de jeudi, de ne plus s'impliquer en politique, exercice pour lequel il n'a nullement été créé ni préparé. Il rappelle dans ce sens que le Forum est une organisation patronale, une association professionnelle, dont l'objectif est de peser sur les politiques économique et de défendre l'entreprise. Et d'ajouter que celle-ci a besoin de se limiter à ses missions premières si elle veut conserver une certaine cohésion et solidarité entre ses membres. Voulant ménager le chou et la chèvre, M. Hamiani reconnaît toutefois, et en des propos sibyllins, l'existence de pressions au sein du FCE. Interrogé à ce propos, M. Hamiani a estimé que s'«il est vrai que chacun de son côté essaye d'exercer un leadership ou une certaine influence, le FCE compte 300 membres aux sensibilités et accointances diverses». Avant de préciser que «chacun de ces membres peut afficher ses opinions en toute liberté et indépendamment du FCE». Un argument destiné sans doute à dédouaner l'organisation patronale des actions de certains de ses membres, à l'image de Ali Haddad, patron de l'ETRHB, ayant initié une levée de fonds pour le financement de la campagne électorale du candidat Bouteflika. Et c'est avec la même verve que Hamiani balaye d'un revers de la main l'existence de toute pression issue de l'environnement administratif de l'entreprise, destinée à susciter des craintes au sein du patronat. «Je ne vois pas de crainte ou contrainte particulière chez les chefs d'entreprise. Au contraire, je pense que dans le secteur privé, nous bénéficions de plus d'indépendance», explique-t-il. Quoi qu'il en soit, le patron du FCE pense que continuer à s'engager en politique, pour l'organisation patronale, c'est se tromper de registre. Engagement ferme tendant à rasseoir la cohésion au sein du FCE, ou vœu pieux risquant de plier sous le poids du pragmatisme ? La question demeure.