Ils se rebiffent contre le système et signent le début du réveil de l'université. Les intellectuels et les universitaires réagissent et mettent en garde contre les dangers du fait accompli que le régime veut imposer à l'occasion de la présidentielle du 17 avril prochain. En effet, d'éminents intellectuels et chercheurs universitaires (sociologues, politologues et linguistes) joignent leurs voix à celles qui refusent le maintien du système politique, en place depuis l'indépendance du pays. Ils ont réussi, malgré l'empêchement de leur rassemblement jeudi dernier au niveau de la faculté des sciences humaines de Bouzaréah, à exprimer leur point de vue sur la situation politique du pays et alerter l'opinion nationale contre les véritables dangers qui guettent l'Algérie. Et ce danger n'est pas «la main étrangère», comme le font croire les promoteurs du 4e mandat du président Bouteflika. «Le sit-in d'hier auquel ont pris part une partie des enseignants et universitaires est une action organisée dans le but d'attirer l'attention sur les dangers qui menacent le pays à tous les niveaux. L'Algérie risque, en effet, de vivre une longue et interminable période de transition, dont l'issue reste inconnue», affirme le sociologue Zoubir Arous. Symbolique, cette action, explique le sociologue Nacer Djabi, «a été une réussite». «Nous voulons interpeller la communauté universitaire et l'opinion publique. L'avenir du pays nous intéresse en tant que citoyen d'abord. Et notre appel a été entendu. Des étudiants et des enseignants de différentes universités d'Alger sont venus, malgré le dispositif policier mis en place pour empêcher le public et les journalistes d'accéder à la fac», précise-t-il, en dénonçant le prétexte de la sécurité invoqué par l'administration. «Comment empêcher les journalistes de couvrir un rassemblement et pas les délinquants qui commettent de graves agressions à l'intérieur de l'université ?», s'interroge-t-il. Pour Nacer Djabi, «chacun a son propre point de vue sur le 4e mandat du président Bouteflika et ses 15 ans de pouvoir, mais tout le monde est contre ce blocage politique».
De nouvelles actions cette semaine Ce mouvement des intellectuels est appelé à s'élargir. Selon ses initiateurs, des contacts sont établis avec d'autres chercheurs et universitaires activant dans les différentes universités du pays pour mener aussi des actions communes dans les prochains jours. «Nous voulons rester sur cette dynamique. On lance un appel à nos camarades des autres universités pour examiner les actions à mener à l'avenir. De nouvelles actions auront lieu dimanche ou lundi», annonce Nacer Djabi. Selon Zoubir Arous, une commission a été mise en place, après le sit-in de jeudi dernier, pour élaborer une deuxième déclaration après celle rendue publique mercredi dernier. «Nous sommes neutres. Nous ne sommes affiliés à aucun parti ni à aucun un courant politique. Le sit-in est une action dictée par notre conscience et nous n'allons pas nous taire désormais», ajoute-t-il. Ce réveil de l'université est salué par le politologue Mohamed Hennad qui est aussi l'un des initiateurs de ce mouvement. Selon lui, l'université est en retard, mais l'action est toujours nécessaire. «L'université aurait dû réagir en 2008 après le viol de la Constitution. Elle devait être la conscience de la société. Les universitaires doivent assumer leur responsabilité et on peut être optimistes pour l'avenir. L'action d'hier est un pas important», assure-t-il. C'est ce que pense également l'historien Mohamed El Korso. «Même si ce ne sont pas tous les enseignants qui ont rejoint ce mouvement, l'université sort enfin de sa torpeur. Elle était sous anesthésie et nous espérons qu'il y aura une union de l'élite politique du pays», dénonce-t-il.