Vendredi, la nouvelle une mosquée de Sidi Abaz a été attaquée à l'heure de la prière. L'affolement a régné tout au long de la journée dans ce quartier cosmopolite de la périphérie de Ghardaïa à l'entrée de la commune de Bounoura au moment où le centre-ville renouait avec la violence. Tout a recommencé de zéro mercredi soir à Ghardaïa qui s'embrase une nouvelle fois après quelques semaines de répit. L'intervention de la gendarmerie, dont le dispositif a été allégé suite à l'accalmie, use et abuse de gaz lacrymogènes. «On n'arrive plus à respirer dans les maisons», témoigne les habitants. Brusquement, alors que des mariages étaient célébrés, que de nouvelles boutiques étaient inaugurées pour amorcer une reprise de l'activité commerciale, la soirée de mercredi dernier a connu de nouveaux heurts intercommunautaires entre des jeunes des quartiers arabes et mozabites de la commune de Ghardaïa. Deux blessés graves, qui ont perdu chacun un œil lors des violences, ont été transférés en urgence à l'hôpital algéro-cubain de Ouargla. Commerces pillés et incendiés Une centaine de commerces, dont trente entre le Café des amis et Merrakchi, enfance du siège de la wilaya, du secteur militaire opérationnel, ont été pillés et incendiés. La tendance n'est plus à la vengeance intercommunautaire témoigne une habitante, «c'est du banditisme déclaré et pleinement assumé par des gens qui s'amènent en Hilux et camionnettes pour vider les magasins avant de les brûler». La boucherie de l'entrée du marché de Ghardaïa, la boutique Dubai du carrefour Merghoub, a eu le même sort comme si on lui reprochait sa propreté et la qualité de ses produits, la nouvelle boutique de Sidi Abaz également. C'est entre le quartier populaire et populeux arabe de Hadj Messaoud et le ksar mozabite de Mélika que les premiers affrontements ont eu lieu. Comme une traînée de poudre, les violences se sont propagées vers le quartier populaire de Theniet El Makhzen où les jeunes se sont accrochés avec ceux du ksar de Beni Izguène pour qu'ensuite arrive le tour de l'affrontement entre les habitants du quartier de Sidi Abbaz et le ksar de Bounoura. Des jeunes du ksar de Bounoura se sont déchaînés sur le café kiosque de l'espace vert du rond-point de Sidi Abbaz, dénommé La Cabane, appartenant à un enfant de Sidi Abbaz, qu'ils ont saccagé, pillé et incendié. Pour leur rendre la pareille, les jeunes de Sidi Abbaz se sont vengés sur un magasin d'alimentation générale, situé sur le grand boulevard, appartenant à un Mozabite, qu'ils ont éventré, pillé, saccagé et incendié. La fumée qui montait vers le ciel était visible à des centaines de mètres à la ronde. Les éléments de la Protection civile, arrivés très rapidement sur les lieux, ont été gênés par la foule pour éteindre l'incendie. Ce fut ensuite une nuit bleue, avec des incendies de magasins sur l'avenue du 1er Novembre dans le quartier populaire de Theniet El Makhzen, avant que ce ne soit le tour des ateliers du concessionnaire Peugeot, attenant à ceux du concessionnaire Kia situés sur l'avenue Didouche Mourad, à un jet de pierre du siège de la sûreté de wilaya. Cette concession automobile appartenant aux Metehri a été pillée. Les lacrymogènes nous asphyxient, C'est intenable Chaque nuit, les tirs de grenades lacrymogènes se font entendre dans divers points de la ville. Jeudi et vendredi ont été des journées de violence. Les responsables des établissements scolaires des trois paliers de la commune de Ghardaïa ont, par mesure de sécurité, renvoyé les élèves chez eux. Même attitude adoptée par plusieurs administrations et établissements publics qui ont préféré garder les portes closes, la majeure partie de leur effectif n'ayant pu rejoindre leur poste de travail. L'anarchie et la pagaille, qui ont découlé de la fermeture de quasiment toutes les routes et ruelles de la ville, ont fait que les forces de sécurité ont eu toutes les peines du monde à circuler pour atteindre les lieux d'affrontements. Beaucoup d'automobilistes, qui ont essayé de forcer le passage l'ont regretté. Leurs véhicules ont été caillaissés et certains d'entre eux ont même été blessés. Jeudi, la violence a atteint d'autres quartiers tels que Châabet Ennichène, Souk Lahttab, El Hoffra et Aïn Lebeau. Des dizaines de véhicules et de cars de police et de gendarmerie, sirènes actionnées, fonçaient sur les lieux d'affrontements, qu'ils avaient «désertés» dans le cadre d'un allégement précipité du dispositif de sécurité mis en place au lendemain des graves affrontements du début du mois de janvier qui ont fait 4 morts, plus de 200 blessés et des centaines de domiciles et de magasins incendiés. A ce jour, et malgré toutes les assurances et les déclarations des pouvoirs publics, des dizaines de familles sinistrées, dont les maisons ont été incendiées, notamment dans les quartiers de Hai El Moudjahidines, de Mermed et du ksar de Mélika, restent réfugiées dans des classes d'école ou chez des parents. Abandonnées, comme d'habitude, par ceux censés les protéger, elles ne subsistent que grâce à la générosité de quelques bienfaiteurs. «Où sont les responsables, y a-t-il vraiment un wali ?», s'interroge Mahdi. Et d'ajouter : «Nous sommes totalement abandonnés. Nous vivons la peur au ventre pour nos enfants et nos maigres biens. Protection défaillante Au lieu de protéger le peuple, ils se protègent eux-mêmes. Pour preuve, allez jeter un coup d'œil derrière les lourdes grilles de la wilaya. Une véritable armée de policiers antiémeute y est stationnée. Ils ne se souviennent de nous que pendant les élections. Nous sommes ramenés et reconnus tels des électeurs et non comme des citoyens.» Son ami, Mustapha, sur un ton colérique, tempête : «Et dire qu'à chaque fois, ils déclarent que la situation est maîtrisée, alors que la population s'entredéchire. Est-ce que vous appelez cela des responsables ? Pour ma part, j'en doute fortement.» Comme d'habitude, les voies de la communication au niveau du siège de la wilaya restent impossibles. On ne peut avoir le moindre commentaire de la part du premier magistrat de la wilaya, ni le moindre communiqué par le biais de celui qui lui sert de chargé de communication, sur les événements qui secouent Ghardaïa. «Ils hibernent, mais ne vous en faites pas, ils vont être rapidement secoués par ceux d'en haut pour se mettre en ordre de marche pour perpétuer le système qui les protège», lâche Ammi Abdellah, un septuagénaire, dont la maison à Mermed a été incendiée en février, et qui n'a trouvé refuge que chez l'un de ses enfants sur les hauteurs de Bouhraoua.