Né et mort au mois de mars, Mouloud Feraoun se conjugue au printemps annonciateur de la renaissance de la nature. L'œuvre de Mouloud Feraoun a été revisitée, vendredi 21 mars, au village d'Aguemoune n'Ath Amar, dans la commune de Taourirt-Ighil, à l'occasion de l'organisation de la 3e édition de la fête Ouderyis dédiée à l'écrivain. Ali Feraoun, président de la fondation Mouloud Feraoun, et Ghebalou Mohand Cherif, universitaire et journaliste, hôtes du village, que ce soit dans leurs échanges en aparté avec les citoyens du village ou dans leur conférence suivie par un nombreux public, ont généreusement parlé de l'écrivain assassiné et de son œuvre. Coïncidant avec la journée mondiale de l'arbre, le coup d'envoi des activités festives a été donné par la mise en terre d'un jeune peuplier, à l'entrée du village, par Ali Feraoun. L'invitation est d'ailleurs faite à Ali Feraoun pour revenir l'année prochaine avec ses enfants pour planter d'autres plants et sceller ainsi un pacte d'amitié entre le village et la famille Feraoun. Le village Aguemoune s'est paré pour la circonstance d'un décor de fête. Emblème national, fanions, banderoles portant des slogans de l'association organisatrice Anmir ornaient plusieurs endroits du village. Des youyous fusaient par intermittence de l'endroit réservé aux femmes ; des chansons d'Ait Menguellet, de Matoub, d'Ideflawen sont diffusées à forts décibels… . «C'est l'atmosphère des grands jours !», nous dit un villageois. Après la visite des stands d'exposition de livres consacrés à la littérature algérienne, les convives ont regardé un documentaire de 20 minutes traitant de l'œuvre de Mouloud Feraoun. A 11 heures, après une minute de silence, et sous les salves de tirs de fusils, le P/APC, Amoura Amar, et Ali Feraoun ont inauguré la plaque commémorative en l'honneur du Chahid Mohamedi Larbi, posée sur la façade de l'école primaire qui porte son nom. Après la dégustation du repas de partage, «Seksou Ouderyis», un couscous accompagné d'œufs, cuit à la vapeur d'une décoction obtenue par le mélange de sept espèces de végétaux dont les racines de la thapsia garganica, généralement abondamment huilé et saupoudré de sucre, le public a assisté à la conférence-débat animée par Ali Feraoun et le professeur Ghebalou. Dans leurs interventions différentes mais complémentaires, les conférenciers ont montré des aspects peu ou prou connus de l'auteur de Le Fils du pauvre. Si Ali Feraoun a axé sa communication sur la vie de son père, Ghebalou Mohand Cherif parlera quant à lui de l'œuvre et de la pensée philosophique de l'écrivain. «Contrairement à ce qui ce dit, le colonel Si Nacer considère Feraoun comme un élément de l'ALN» dit en substance Ali Feraoun. «Mon père a eu des différends avec Camus et Roblès, précisément au sujet de l'Algérie. D'ailleurs, Roblès qui devrait préfacer Le Fils du pauvre, ne l'a pas fait et est allé même jusqu'à tronquer le roman de tout un chapitre» ajoute-t-il. «La pensée philosophique de Feraoun est faite d'humanisme et de volonté d'élévation. A travers les titres de son œuvre romanesque, nous décelons cette vision d'élévation, celle de s'élever au dessus de sa condition, lui le fils du pauvre, celle de son peuple, de s'élever vers des horizons de liberté et d'indépendance, lui qui est sous le joug colonial» expliquera Ghebalou. Né et mort au mois de mars, Mouloud Feraoun se conjugue au printemps annonciateur de la renaissance de la nature. C'est bon augure d'ailleurs que plusieurs localités du pays commencent depuis quelques temps à célébrer collectivement les rites du printemps.