« Il ne faut pas mépriser l'homme si l'on veut obtenir des autres et de soi de grands efforts. » Alexis de Tocqueville Mesurer la valeur de l'effort humain c'est s'aventurer dans la théorie économique, laquelle ne peut faire l'objet d'un développement exhaustif dans cet article. Néanmoins, nous pouvons tout de même signaler que le choix de l'idéologie socialiste après l'indépendance n'a pas permis de valoriser les métiers qualifiés. Plus encore, elle n'a pas valorisé l'effort intellectuel. Cette idéologie qui s'inspire de la théorie de la valeur développée par Marx prend le temps de travail comme unité de mesure de la valeur (ni Smith ni Ricardo ne se sont aventurés dans cette voie). Ainsi, quel que soit les valeurs d'usage, celles-ci nécessitent un temps de travail qui constitue une référence de mesure de la valeur de l'ensemble des marchandises. Il se pose ainsi le problème de la nature du travail : devrons-nous mettre sur le même pied d'égalité un travail qualifié de haute technicité et un travail manuel, grossier et ordinaire qui ne nécessite aucune qualification ? Marx ne tient pas compte de la qualification et considère que le temps de travail d'un produit comprenant du travail qualifié sera ramené à une quantité de travail simple. Il faut dire que la valeur est non seulement simplifiée mais aussi réductrice. Résultat : cette idéologie n'a pas permis de valoriser les métiers qualifiés. Plus encore, elle n'a pas valorisé l'effort intellectuel. Nous avons abouti au populisme, à l'assistanat et à la médiocrité. Ce système économique n'a pas duré longtemps. Tant mieux : l'homme sain d'esprit ne peut pas se complaire indéfiniment dans la médiocrité, et dans le moindre effort. Aujourd'hui, « la valeur » des enseignants pose problème. Mais en réalité, s'agit-il d'un vrai problème ? Pour répondre à cette question nous devons définir « la valeur » de cet enseignant représenté par le salaire. Alors, qu'est-ce-que le salaire ? Le Petit Larousse donne la définition suivante : « Rémunération du travail effectué par un employé pour le compte d'un employeur en vertu d'un contrat de travail. » Mais, dans l'analyse économique, le salaire est l'équivalent d'un effort, d'une peine ou d'une souffrance qui s'échange sur un marché contre un autre effort, une autre peine, une autre souffrance. Alors, une autre question se pose : est-ce-que le salaire de l'enseignant aujourd'hui correspond à ses efforts ? Grande question qui doit absolument être traitée en dehors de l'idéologie socialiste qui a engendré des dégâts dans l'harmonie sociale et dans l'échelle des valeurs. Mais en écartant le temps de travail comme référence de mesure de la valeur, nous n'allons pas résoudre le problème, car la notion de valeur est mobile et dépend ainsi de plusieurs considérations qui peuvent être aussi bien objectives que subjectives : il n'y a donc pas de réponse scientifique tangible. La notion de valeur est soumise au raisonnement. Néanmoins, nous pouvons affirmer que la valeur d'un métier est fortement dépendante de l'échelle des valeurs qui régit la société. Alors, devrons-nous continuer à accepter éternellement l'échelle des valeurs qui régit aujourd'hui la société algérienne ? Devrons-nous accepter que le pays soit désorienté encore davantage par manque d'harmonie ? Est-il nécessaire aujourd'hui de culpabiliser ceux qui ont fait le choix et ont été déterminés à continuer les études ? Aujourd'hui, l'occasion se présente - plus que jamais - pour redonner à l'université sa place dans la hiérarchie des valeurs. Une option qui semble difficile, mais qui ne doit pas dévier sur une revendication qui a le sens de la charité. Un non-sens : la hausse des salaires pour l'enseignant sert le développement. Soyez rassurés, ce n'est pas cette hausse qui va enrichir ces enseignants : une vie décente pour eux ne peut que contribuer à la richesse de ce pays. Alors, comment va-t-on évaluer le salaire de ces enseignants ? Dans la théorie économique, la valeur se détermine sur le marché, autrement dit, selon l'offre et la demande. Mais, nous ne devons pas oublier que même les courants de pensées les plus libérales réservent à l'enseignement une place privilégiée que l'Etat et la société prennent en charge, car il n'est pas possible d'imaginer une vie harmonieuse et sereine dans l'ignorance. Aujourd'hui, nous devons opter pour le raisonnement rationnel et universel et se débarrasser de l'archaïsme et des réactions improvisées qui ne rendent pas service aux générations futures. Aujourd'hui, nous devons avoir des arguments à donner à nos enfants, non seulement à poursuivre leurs études mais aussi pour servir leur pays. Œuvrons ensemble pour une société harmonieuse et sereine qui évolue sur des bases « naturelles » et saines. Enfin, qu'est-ce qu'une hausse de salaire pour l'enseignant du supérieur ? Beaucoup plus, un geste symbolique - hautement symbolique -, un message pour la société, le redressement du train dans lequel roule un peuple et plus tard des générations. Nous avons le devoir de revaloriser le savoir et l'éducation pour faire de notre pays, un pays riche essentiellement par le génie de ses enfants. Cette responsabilité est partagée non seulement entre les enseignants et la tutelle, mais aussi par tous les membres de la société, pour le bien-être de nous tous, pour les générations futures, pour nos martyrs, pour notre pays. Viva l'Algérie ! Viva l'université algérienne ! Enseignant universitaire