Une conférence débat ayant pour thème «Les évènements de Ghardaïa, questionnements et réflexions», a été organisée samedi à Alger par El Watan Etudiant. Fatima Oussedik (sociologue, experte auprès de l'Unesco, professeur à l'université d'Alger II), Saïd Djabelkheir (islamologue) et Mohamed Djelmani (économiste) ont été les conférenciers invités à la table ronde. Dans son intervention, Mme Oussedik a souligné qu'«il n'est plus approprié de parler de la pentapole de la vallée du Mzab, car elle n'existe plus». Mme Oussedik explique qu'«à partir de la fin du XIXe siècle, les Etats-nations d'Europe effaçaient les référents identitaires de leur société. Le pouvoir algérien a repris ce concept pour imposer l'arabité». Elle avertit que «le tissu social algérien est menacé. Si notre patriotisme est encore vivace, la nation est en danger. Le pouvoir local est atteint. La violence s'installe lorsque la loi est absente. L'analyse communautariste utilisée depuis les évènements du printemps 2001 relève de la manipulation, avec son lot d'accusations». «A chaque fois, il y manipulation par l'usage de la rente pétrolière. Le peuple est traité comme une clientèle.» Mme Oussedik ajoute que «les Algériens contestent le fait que le trabendiste œuvre dans tous les domaines, dans un Etat devenu informel. Les trabendistes ont besoin de la dérégulation de toutes les institutions en se servant de la rentre pétrolière. Les ibadites, collectivement, échappent à la logique de clientélisme. Le M'zab possède une force de résistance. Donc l'enfumage est nécessaire pour le mode de gestion actuel avec, de surcroît, une crise politique qui subsiste». Démocratie pyramidale Pour sa part, l'économiste Mohamed Djelmani a indiqué que «le passage des Mozabites du statut de commerçant à celui d'industriel s'est réalisé durant les années 1970». Témoin vivant de l'organisation de la communauté mozabite, fils d'un chef d'une faction, M. Djelmani explique que «les ibadites de la vallée du Mzab sont organisés selon un système démocratique pyramidal. C'est un groupement social fondé sur le conseil. Il existe 22 factions (achira), en matière de structuration. Chacune d'elle possède un siège, utilisé pour diverses raisons. La faction peut intervenir dans tous les domaines. Toutes les factions ont des représentants au niveau du Conseil des achira. L'économiste regrette l'incendie des magasins lors des derniers évènements : «80% du capital d'un magasin n'appartiennent pas au gérant. C'est un capital destiné aux orphelins et aux veuves pour qu'ils vivent décemment.» Et d'ajouter : «La violence des derniers affrontements est sans précédent. Auparavant, les émeutiers s'attaquaient aux magasins. Mais dernièrement, des tombes et des mausolées ont été profanés, notamment celui de Cheikh Ammi Saïd, le symbole du renouveau de l'ibadisme. Les jeunes auteurs de ces dégradations ont été formatés par une force maléfique.» L'islamologue et chercheur en soufisme, Saïd Djabelkheir, indique que «les débats sur les problématiques de la religion ont toujours été reportés en Algérie depuis les années 1920». «L'Etat opte pour un discours religieux unique. C'est pour cette raison que l'ibadisme n'est pas enseigné dans les universités». M. Djabelkheir soutient que «le wahhabisme se propage rapidement dans la vallée du M'zab, mais au profit de qui ?». Il explique que «ce n'est pas spontané, c'est un cheminement historique. Dans les temps anciens, il existait un pacte entre les foqaha (érudits de la cour croyant détenir la vérité absolue) et les khalifes (à ne pas confondre avec les quatre premiers Khalifes), pour que ces derniers justifient l'oppression. Le religieux sert d'outil à l'asservissement». L'islamologue suggère que «les écoles encouragent l'apprentissage de la tolérance et la diversité des lectures religieuses».