Lieu de savoir et d'enseignement supérieur, l'université est, par définition, l'établissement qui fédère en son sein la production, la conservation et la transmission de différents domaines de la connaissance… et donc la locomotive d'un développement durable auquel aspire toute nation digne de ce nom. L'Algérie, avec ses 60 universités, instituts et écoles supérieures ne doit pas, en principe, demeurer en reste. Quoique n'étant pas spécialement au centre de leur campagne électorale pour la présidentielle du 17 avril 2014, les six candidats ont, plus ou moins, évoqué l'université dans leurs programmes. Ainsi donc, le plus jeune des candidats à la magistrature suprême, Abdelaziz Belaid, met en exergue la nécessité de développer davantage l'université algérienne, estimant qu'elle est la véritable locomotive pour hisser l'Algérie au diapason des pays modernes. «L'université ne peut être moderne que grâce aux moyens technologiques qu'on met à sa disposition. Elle est la véritable locomotive pour tout peuple qui aspire au développement», a-t-il déclaré lors d'un meeting tenu le 27 mars dernier à Constantine. Ce docteur en médecine et licencié en droit, président du Front El Moustakbal, a regretté que l'université algérienne soit classée, 52 ans après l'indépendance du pays, parmi «les plus faibles» en matière de recherche scientifique et technologique. Une situation qui, selon lui, est due à «l'inexistence d'un programme ambitieux» qui puisse la rendre «plus efficace». Son programme à lui est-il donc ambitieux concernant le développement de la recherche scientifique en Algérie ? C'est, en tout cas ce que laissent croire ses promesses. En effet, s'il est élu Président, il promet d'investir dans l'enseignant universitaire, d'axer son action autour de la production et l'acquisition des moyens pédagogiques requis pour chaque filière et spécialité. Ces promesses seront-elles honorées dans un pays où il est de notoriété publique quand on se plaint, et officiellement d'un énorme déficit en encadrement universitaire, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Un déficit ayant fait de l'université algérienne la championne de la distribution des diplômes plus que de la formation des compétences. Ali Benflis, qui se présente à la présidentielle pour la deuxième fois en l'espace de 10 ans, réserve également une certaine place à l'université algérienne dans son «Projet de Renouveau National». Tout d'abord, il reconnaît que le taux de scolarisation dans l'enseignement supérieur en Algérie, qui est de plus de 25%, demeure en dessous du niveau atteint dans les pays à revenu comparable, et qui s'élève à 40%. Critiquant le système de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle, Ali Benflis a précisé, dans son programme, que les chiffres officiels masquent cependant un bilan moins reluisant. «Il n'existe aucun standard d'acquis des connaissances, aucun indicateur de pilotage de la qualité de l'enseignement et de la formation», lit-on dans son programme. Pour pallier ces déficits crûment ressentis, il promet «l'amélioration qualitative de nos systèmes d'enseignement et de formation pour bâtir une société du savoir et de la connaissance». Et parmi les 10 objectifs à atteindre à l'horizon 2019 s'il est élu Président, on évoque la mise en adéquation du système d'enseignement et de formation avec les besoins du marché du travail et les impératifs de développement, ainsi que la multiplication du nombre de publications scientifiques et celle, par 10, du nombre de brevets. Pour l'actuel chef d'Etat, Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un 4e mandat, il promet «l'adaptation de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle pour répondre au marché du travail à travers des programmes concertés avec le secteur économique et la société civile», alors que des «incitations seront introduites pour encourager l'orientation scientifique et technique». Mieux, l'actuel locataire d'El Mouradia promet qu'afin «d'encourager davantage l'apprentissage des disciplines scientifiques, des technologies de l'information et de la communication et des langues nationales et étrangères, des chaînes publiques de télévision dédiées à l'enseignement seront créées», alors que, d'autre part, «des centres d'excellence scientifique et technologique seront mis en place». Le projet, en lui-même, peut donner une certaine lueur d'espoir… n'était la gestion décriée de partout de l'homme qui, à la tête du pays depuis déjà 15 ans avec un bilan chaotique concernant les secteurs de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de le formation professionnelle. Simple interrogation : les promesses faites dans ce sens en 1999, 2004 et 2009 ont-elles été honorées ? Non, selon certains, très peu selon d'autres. Un autre candidat à la présidentielle, Moussa Touati, tente également de séduire le palier supérieur... en promettant «l'amélioration des conditions pédagogiques des étudiants et les conditions de travail des enseignants», ainsi que la mise en place d'une «loi spéciale relative à la recherche scientifique qui s'appuie sur la réactivation du produit de cette dernière en Algérie et qui protègera les chercheurs». Voilà, c'est aussi simple que cela pour Moussa Touati, alors que l'université algérienne est à la traîne, à plus d'un titre, ne dispensant pas d'enseignement pragmatique et utilitariste. L'université algérienne qui, aujourd'hui, est surpeuplée d'étudiants mal informés sur les carrières à entreprendre, démobilisés, frustrés par les langues arabe, française et anglaise, et qui n'attendent rien de leurs études. Le constat est triste, mais n'en rien dire ne résout pas le problème. On ajoutera donc que la débâcle est de plus en plus frappante, allant de la défaillance du suivi pédagogique de la part des professeurs, au devenir des étudiants qui, le plus souvent, ne sont pas animés d'une volonté d'apprendre mais seulement par celle de passer les modules et d'avoir des diplômes sans aucune valeur. Louisa Hanoune, patronne du Parti des Travailleurs s'engage, elle, «à développer la recherche scientifique et l'acquisition de nouvelles technologies pour assurer l'indépendance de la décision économique en mobilisant les énergies nationales et les compétences scientifiques». Cette candidate s'engage également «à rectifier et à corriger la politique de formation professionnelle, qui a lamentablement échoué, en restaurant la place de l'enseignement technique secondaire du fait de son importance dans la formation de cadres techniques pour l'économie nationale». Pourquoi donc n'a-t-elle pas appelé à ces réformes pendant ses quatre mandats de députée ? Et pour le président de Ahd 54 ? Fawzi Rebaïne, qui reconnaît la dévalorisation du niveau de formation à tous les échelons des structures de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle, «conséquence logique de l'extrême instrumentalisation politique et idéologique de ce secteur névralgique de la société», promet de protéger ce dernier des influences et des enjeux politiques et idéologiques qui le minent et le menacent, d'introduire au plan structurel et pédagogique les réformes nécessaires à son orientation vers la promotion du savoir, de la formation technique, scientifique et culturelle, de consolider et conforter les structures d'accueil par des moyens logistiques adéquats et idoines sans discrimination dans l'affectation des ressources aux plans local, régional et national. Plus encore, il s'engage entre autres à relever le niveau des centres de formation et transformer l'image dévalorisante des centres d'accueil des déperditions scolaires, mais aussi à insérer l'université dans le centre de l'activité économique en impulsant les liens d'interaction avec le système économique en général et l'entreprise en particulier. L'université qui, aujourd'hui, sombre dans des profondeurs abyssales alors que des étudiants n'hésitent pas à brûler leurs diplômes devant les caméras, protestant contre un enseignement universitaire qui n'a d'universitaire que le nom, saura-t-elle redevenir cette «locomotive» sans laquelle le train ne peut marcher et donc avancer ?