L'unité Derradji Omar, spécialisée dans la production de la brique et de la tuile génoise, sise à El Hamiz, risque de mettre la clé sous le paillasson. Selon le syndicat de cette usine du secteur public, la disparition du site entraînera inéluctablement dans sa foulée la mise à la porte de 130 travailleurs. « Nous lançons un appel de détresse afin de sauver notre outil de travail. Notre problème résulte d'une mauvaise gestion », scandent les syndicalistes, pointant du doigt le PDG de Emcopral, l'entreprise mère qui dépend de la SGP Matériaux de construction (ex-Holding). Une batterie de doléances est ainsi émise par les représentants des travailleurs. Les versements des salaires, « gelés depuis des mois », l'approvisionnement en matière première (argile), le renouvellement de la ligne de production et la mise en place d'un service d'hygiène et de sécurité sont les principales revendications. « Nous ne percevons plus de salaires, nous nous contentons d'une avance qui n'atteint même pas la moitié du salaire national minimum garanti (SNMG) », soulignent les syndicalistes. Une visite sur les lieux nous a permis, en effet, de constater l'état de délabrement dans lequel se débat cette usine depuis des années. Une partie des ouvriers, en quête d'un acompte de 2000 ou 3000 DA, était postée devant la régie. « Comme d'habitude, je repars bredouille. On m'a signifié qu'il n'y a pas assez de recette pour aujourd'hui », nous dit, dépité, un père de 3 enfants. Son collègue, traînant de vieilles savates et vêtu presque en haillons, dit avoir 30 ans d'ancienneté. « Je ne sais plus ce que je dois encore dire à ma femme. Je n'ai même pas de quoi acheter un sachet de lait », lance-t-il, les larmes aux yeux. Un syndicaliste tenait à attirer notre attention sur un « détail » qui ne nous avait pas échappé, outre mesure : « Regardez bien ces malheureux. Ils ne sont pas payés, en plus, ils n'ont ni casque de sécurité ni bleu de travail, encore moins une paire de chaussures qui sied aux lieux ». Son compte bancaire bloqué, croupissant sous des dettes de plusieurs millions de dinars, l'unité Derradji Omar est devenue, par la force des choses, une entité « clandestine », ironise le syndicat. « L'ouvrier est payé au compte-gouttes, en fonction des recettes du jour. Si on gagne 10 000 DA, on se les partage en espèces. Il n'y a plus de gestion comptable, ni fiscale. Nous travaillons carrément au noir », s'écrient les syndicalistes. Ces derniers font état de l'esprit de lassitude généralisé, qui règne au sein du personnel. « Les travailleurs sont fatigués malgré leur volonté farouche de redresser la situation. Nous ne comprenons pas ce qui arrive à cette unité qui, il n y a pas longtemps, atteignait un chiffre d'affaires de 10 millions de dinars par mois. Où est passé tout cet argent ? », relèvent encore les représentants des travailleurs. Face à ce qu'ils qualifient de « mort programmée de l'unité Omar Derradji », les syndicalistes sollicitent la SGP pour l'envoi d'une commission d'enquête. « Un audit est on ne peut plus urgent. L'usine est en décrépitude avancée, nous avons l'impression qu'il y a une volonté manifeste de la fermer et de mettre ses travailleurs dehors », note le syndicat. Contacté, le PDG de Emcopral, dont les locaux sont mitoyens avec l'usine, se dit « non responsable », préférant jeter la balle dans le camp du chef d'unité. « Je n'ai pas à m'immiscer dans les affaires internes de l'unité », s'est-il contenté de dire. Le chef d'unité, qui, selon le syndicat, « ne ménage aucun effort pour ressusciter l'usine », nous renvoie à un document de plusieurs pages. Il s'agit d'un rapport où toutes les carences, « devant susciter une intervention rapide du PDG », sont relevées au détail près. « Les propositions du chef d'unité que nous soutenons d'ailleurs n'ont pas été prises en considération. C'est malheureux », regrette le syndicat. Le PDG, faut-il savoir, ne veut pas parler d'une commission d'enquête. Selon lui, une telle demande ne saurait être faite par les représentants de l'UGTA.