�Les id�ologies s�acquittent de cette fonction de l�gitimation [d�un pouvoir] apparemment rationnelle gr�ce au discours, lequel poss�de un pouvoir qui lui est propre, celui de changer la force en droit et l�ob�issance en devoir et c�est cette derni�re qui cr�erait l�illusion de rationalit� propre � l�id�ologie : en donnant aux individus le sentiment de raisonner, elle leur �te la libert� de penser par eux-m�mes.� Christian Baylon I- Postures �pist�miques La question linguistique, autant que les th�ories mobilis�es pour l�appr�hender, proc�de souvent d�une contamination id�ologique en raison des enjeux importants qui sont assign�s � la question sociolinguistique dans le Maghreb. La n�cessit� d�une remise en ordre g�n�ral des �tudes, des th�ories et des postures intellectuelles autant que des politiques nous semble aller de soi. Ni le particularisme berb�riste ni le transnationalisme arabo-islamique mythique ne peuvent �tre en ad�quation avec la r�alit� plurielle de l�Alg�rie et du Maghreb. Et si les concepts de domination, de minoration, de diglossie ou de conflit linguistique ne sont pas ad�quats pour la description de la r�alit� sociolinguistique alg�rienne, de nouvelles approches sociolinguistiques � l��chelle macrosociologique doivent voir le jour. Cette introduction critique des pratiques universitaires quant aux savoirs sur la soci�t� en Alg�rie nous permet de mettre en perspective nos propres choix �pist�mologiques consistant fondamentalement en une vision int�grative du plurilinguisme alg�rien qui vit en coexistence pacifique, une sorte de dialectique de l�un et du multiple (v. A. Dourai, 2002 ; 1996). Cette vision sera soutenue par l��clairage qu�apporteront des �tudes portant sur les pratiques r�elles des locuteurs plurilingues en Alg�rie et qui vont dans le m�me sens que les constats �tablis par Dalila Morsly, M.-L. Maougal, Khaoula Taleb Al- Ibrahimi et Yasmina Cherrad (maid�cembre 2002) ; Kebbas G., 2001, Chachou Ibtissem, 2001/2002. Le lien entre une politique linguistique, le choix d�une langue pour les institutions et les repr�sentations identitaires n�a pas besoin d��tre d�montr�. Ridha Salhi, de l�universit� de Manouba, Tunisie, d�clare : �There is a widespread belief that language is one of the key components of national identity and a strong indicator of group membership. In multilingual contexts, language policies (whether explicit or implicit) often reflect a power relationship and serve a particular ideology� (Salhi R., 2001). Le rapport langue/pouvoir est clairement soulign� et le lien postul� � l�identit� nationale et les repr�sentations, qui �ventuellement la sous-tendent, est mis en relief pour mieux saisir les tenants et les aboutissants des politiques linguistiques des pays du Maghreb qui ont fait de l�appartenance arabo-islamique mythique et transnationale un principe de vie et de gouvernance. Mohammed El-Medlaoui (El- Medlaoui M., 2001) note, pour le cas du Maroc, que l�atelier n�3 intitul� sciences du langage et de la communication, tenu le 14/04/2001 dans le cadre de la rencontre nationale �Recherche scientifique et d�veloppement� organis�e � Rabat par le minist�re de l�Enseignement sup�rieur et le secr�tariat d�Etat pour la Recherche scientifique a relev� un constat important quant � la politique de recherche marocaine dans le domaine des sciences du langage et du plurilinguisme : �Le constat stigmatise un d�ficit d�int�r�t au Maroc pour les aspects sociologiques des sciences du langage en comparaison de l�int�r�t pour la linguistique proprement dite.� On le voit bien, dans les pays du Maghreb, partout on est face � la m�me pratique et la gestion de ce domaine est soumise aux caprices des gestionnaires du �linguistiquement correct� et du �linguistiquement dicible�. L�int�r�t port� aux structures de la langue exclusivement (i.e. la linguistique interne) permet, en focalisant l�int�r�t sur la combinatoire linguistique, de garder impens�s les liens entre la (les) langue(s) et la soci�t� � questions qui sont susceptibles de mettre en crise le discours d�r�alis� du pouvoir et d�une certaine opposition. Mohammed Arkoun (Arkoun M., 1984 : 9) apr�s avoir constat� que les �les d�partements de litt�rature arabe ne laissent aucune place � la �philosophie�� apr�s �l��clatement de la raison et des savoirs� qui s�est impos� dans le syst�me scolaire et universitaire dans les pays musulmans�, nous �claire davantage � ce sujet quand il dit (Arkoun M., 1984 : 308) : �Le travesti : la critique de la connaissance d�clench�e par la psychanalyse et la philosophie du langage, notamment, a montr� comment la pens�e transpose le r�el dans ce qu�on pourrait appeler une logosph�re. Celle-ci est le lieu de projection, d��laboration, de transmission des repr�sentations mythiques, des imageries scientifiques, des syst�mes conceptuels qui travestissent, � des degr�s divers, le donn� positif. C�est ainsi que sont constitu�s tous les discours mythologiques et id�ologiques que la pens�e positive s�attache, aujourd�hui, � d�construire pour acc�der au donn� demeur� impens�.� C�est dans ce contexte intellectuel que l�on mesure la pertinence du point de vue de K. Taleb Al Ibrahimi, sociolinguiste, quand elle affirme : �La notion de pratiques langagi�res marque une �volution dans la description linguistique et sociolinguistique car il ne s�agit plus uniquement d�analyser les r�gles internes au syst�me linguistique qui organisent la comp�tence d�un locuteur id�al (�) ou de d�crire les r�gularit�s structurales d�un corpus ferm� de donn�es (�), mais de s�int�resser � la diversit� des locuteurs, � la diversit� de leurs conduites�. Elle ajoute : �L��tude des pratiques langagi�res permet de rassembler une somme d�informations et de renseignements sur la r�alit� sociolinguistique d�une soci�t� donn�e, en ce sens elles font partie d�un ensemble plus important qui englobe toutes les pratiques humaines� (Taleb Al- Ibrahimi K., 1995 : 120). Maintenant que la probl�matique a �t� rendue plus claire, il s�agit d�essayer de comprendre les soubassements de l�attitude de d�ni de r�alit� des pouvoirs publics dans les pays du Maghreb et de certaines �lites intellectuelles. Il semble que la lutte contre la mise � disposition du savoir sociologique et macro-sociolinguistique sur ces questions vise � autoriser le discours id�ologique le plus d�r�alis� sur la (les) langue (s), l�identit� et la culture � surd�terminer la pens�e rationnelle et les comportements subs�quents. On continue de penser qu�il est possible de couler les gens, singletons math�matiques, dans le moule id�ologique dominant fabriqu� par les �lites au pouvoir. Parler de r�alit� et de pratiques effectives devient probl�matique de ce point de vue. Un tel discours scientifique passe pour �tre suspect puisqu�il sugg�re que les �lites au pouvoir doivent rendre compte de leur gouvernance, de la place du savoir et du pouvoir (A. Dourari, 2003 (b)), et � admettre un mode de gouvernance moderne : g�rer rationnellement � partir de ce qu�il y a en respectant le citoyen, son avoir �t�, son �tre et son vouloir �tre. La question linguistique �tant un grand enjeu de soci�t� en Alg�rie, il convient de relever que certains linguistes alg�riens, dont l�essentiel de l�activit� sert � l�gitimer les th�ses du pouvoir (tunisiens et marocains aussi), y compris (ou surtout) ceux exer�ant dans le domaine du berb�re, combattent avec hargne toute approche des langues parl�es en Alg�rie qui les mettrait en relation avec des questionnements sur la soci�t�, l�homme et l�histoire. La politique de recherche du c�l�bre ex-Institut de linguistique et de phon�tique de l�universit� d�Alger (ferm� en 1985) dont le concept phare est �la technologie du langage� n�admettait que les travaux sur �l�arabe standard�, car les dialectes autant que les pratiques langagi�res effectives sont d�clar�s impensables� Le d�partement de berb�re de l�universit� de Tizi-Ouzou avait interdit des th�ses sur la soci�t� et la culture ou des th�mes g�n�raux comme la philosophie du langage� La question du recueil de corpus oraux des pratiques linguistiques amazighes actuelles est tout aussi �lud�e par les berb�risants. 1- Tamazight et le domaine formel Dalila Morsly affirme que le tamazight n�a jamais, depuis la p�riode punique (-300 J.-C.), �t� utilis� dans le domaine formel. Ce fut le punique du temps de Massinissa, le latin durant la p�riode romaine, le fran�ais durant la p�riode fran�aise et enfin l�arabe scolaire durant la p�riode d�ind�pendance (Morsly Dalila, 1996). C�est aussi le point de vue du sociologue alg�rien Mostefa Lacheraf (Lacheraf M., 1998). Le tamazight est toujours vivant et vivace. Soutenir apr�s cela que le tamazight est une langue minor�e et menac�e (noter le singulier et le passif), dans l�absolu et non pas subs�quemment � une situation sociologique et historique et � une politique linguistique de l�Etat ind�pendant, pr�suppose : a- l�unicit� du tamazight b- que le tamazight est dans une position de victime c- qu�un actant aurait d�lib�r�ment d�cid� d�en faire ainsi Il faut rappeler que cette situation (polynomie du tamazight et son exclusion du domaine formel) est le r�sultat d�une histoire et d�une dynamique sociologique o� aucun actant responsable, fut-il un individu ou un Etat, n�est identifiable hormis durant la p�riode d�ind�pendance que les promoteurs de la micro- sociolinguistique prennent bien soin de voiler en p�rorant doctement sur la sp�cificit� du phon�me [�] dans la prononciation kabyle. Pr�senter le tamazight comme la victime de l�arabe scolaire et de son expansion est encore une entorse au bon sens car il faut noter que cet arabe en particulier, circonscrit au domaine formel, ne s�oppose pas au tamazight, circonscrit au domaine personnel et quotidien dans les zones tamazightophones. Les Alg�riens ne parlent pas en arabe scolaire qui n�est aujourd�hui la langue maternelle de personne dans le monde arabe. K. Taleb Al-Ibrahimi affirme dans son enqu�te que : �L�usage de l�A.S. (arabe standard) s�amenuise au fur et � mesure que l�on s��loigne des contextes formels, que l�on se rapproche des situations informelles � (Op. Cit. p 122). Les d�cisions politiques en la mati�re y sont impuissantes comme l�a constat� Yasmina Cherrad, autre sociolinguiste alg�rien de l�universit� de Constantine (cit� supra) : �Malgr� les nombreuses d�cisions et textes officiels rendant obligatoire l�utilisation exclusive de l�arabe standard moderne, les Alg�riens dans leurs pratiques quotidiennes agissent autrement. Devant cette r�alit� r�fractaire, les autorit�s, par l�ordonnance de 1996, durcissent leur position en mena�ant d�amendes et m�me de prison les contrevenants. Ces dispositions ne changent les habitudes ni des sujets parlants ni m�me des institutions qui ne se plient pas � la loi�� On peut �videmment ergoter sur la notion d�arabe standard moderne, si ch�re aux sociolinguistes anglophones, tant les instruments de standardisation n�existent toujours pas pour cette vari�t� : ni dictionnaire de r�f�rence commun et actualis�, ni grammaire moderne unifi�e� Un autre sp�cialiste du Maghreb, Gilbert Grandguillaume (Grand-guillaume, 2006) affirme : �Les langues quotidiennement parl�es au Maghreb ne sont pas �crites, mais exclusivement orales : elles sont des vari�t�s r�gionales, soit arabes soit berb�res. Elles sont mises en opposition, principalement les parlers arabes, avec une langue essentiellement �crite (ou limit�e oralement � des usages savants ou religieux), dite arabe classique ou litt�raire. Cette opposition est universelle dans le monde arabe�. Il ajoute, dans une mise en rapport du processus d�unification linguistique propre � la France et celui projet� dans les pays du Maghreb : �Il faut reconna�tre que dans la lutte du fran�ais contre les �patois�, la langue dominante a trouv� la complicit� de �la promotion sociale� qui s�attachait � l�abandon de la langue r�gionale. Il n�y a pas de ph�nom�ne analogue en ce qui concerne les pays du Maghreb [�] D�autre part, les langues parl�es sont l�objet d�un attachement renouvel�. C�est le cas du berb�re (Chaker S., 1993), mais aussi des parlers arabes [�] Ces parlers sont m�me �v�hicules de la modernit� (Benrabah, 1993) et assument une sorte de conscience identitaire.� En effet, il ne faut pas oublier que l�alg�rien (la langue maternelle des Alg�riens, semblable � celui que parlent la plupart des Maghr�bins) a �t� utilis� dans la cr�ation artistique notamment le th��tre de Kateb Yacine et de Alloula Abdelkader pour ne citer que ces deux piliers de la culture alg�rienne. Tout le monde sait l�influence qu�a la chanson cha�bi, et ra�, chant�e exclusivement en alg�rien. Le fait est l� : la r�alit� sociolinguistique de la soci�t� alg�rienne r�siste aux mystifications th�oriques et toutes les politiques explicites et implicites men�es par un courant id�ologique de l�int�rieur m�me de l�Etat et avec ses moyens. Tamazight, langue polynomique, n�est pas utilis� dans le domaine formel, autant que l�arabe alg�rien. Mais l�arabe scolaire n�est pas non plus utilis� dans le domaine personnel. 2- Situation sociolinguistique de l�Alg�rie : histoire et pr�sent En Alg�rie il existe un v�ritable malaise linguistique et identitaire. Les �tudes sur ce ph�nom�ne ne sont pas nombreuses. Nous en citerons, � titre d�exemple, les travaux de : N. Toualbi, 2000 ; K. Taleb Al-Ibrahimi, 1995 ; D. Morsly, 1996 ; M. L. Maougal, 2000 ; Abdou El-Imam, 2000 ; Abderrezak Dourari (2003-b)) ; 2002 ; et 2011 ; Benrabah Mohammed, 1999. L�Alg�rie historique, (vs. celle officielle des mythes panarabes) a toujours �t� un pays plurilingue. Il est difficile d�imaginer un pays aussi grand que le Maghreb (de la fronti�re �gypto- libyenne jusqu�aux Iles Canaries, puis au sud, le Mali, le Niger, et la Mauritanie) avec des groupes humains vivants aux quatre coins, qui parlerait en d�pit de cela une langue unique � une �poque o� les moyens de communication �taient rudimentaires ! L�amazighit� originelle de cet espace n�est pas contest�e mais est rarement prise en compte dans les discours et les d�cisions officiels. La diversit� des vari�t�s de tamazight sur cet espace commence � �tre accept�e comme un fait socio-historique et sociolinguistique normal y compris par les militants pro-berb�res. La langue arabe classique (celle du Coran, des c�r�monies religieuses formelles et de la litt�rature savante) a fait sa p�n�tration dans cet espace tr�s t�t chez certaines �lites citadines sans qu�elle se r�pande dans la soci�t�. La conqu�te arabe sous couvert de l�islam n�a pu r�ussir qu�� la deuxi�me tentative (VIIIe si�cle) mais les Arabes ne s�y install�rent pas en Afrique du Nord et laiss�rent la gestion de leurs int�r�ts � leurs clients berb�res. La venue des Banu Hil�l, puis des Banu Soleim et des Banu Ma�qil, qui a eu lieu bien apr�s (XIe si�cle), n�a pas grand-chose � avoir avec l�islam. C�est en raison de leur turbulence dans le califat fatimide, instaur� gr�ce aux Berb�res qui partirent de Bougie et fondirent le califat fatimide et sa capitale le Caire, que les Fatimides s�en d�barrass�rent et les envoy�rent punir les Berb�res qui avaient pris leur distance vis-�-vis du califat du Caire. Ils s�install�rent au Maghreb en nombre si peu r�duit (des dizaines de milliers selon Camps, (1996, p 56) qu�ils n�ont pas pu bouleverser la d�mographie autochtone. Leur langue s�est r�pandue dans ce m�me espace d�s le XIIIe si�cle pour des raisons sociologiques et sociolinguistiques (G. Camps, cit� supra ; W. Mar�ais, 1956). Camps nous dit que �cet arabe maghr�bin est issu de la langue b�douine introduite au XIe si�cle par les tribus hilaliennes, car ce sont elles, en effet, qui ont v�ritablement arabis� une grande partie des Berb�res�, p56). Nous savons que cette hypoth�se est nuanc�e par Abdou El- Imam qui pense que cet arabe maghr�bin vient du punique (v. Abdou El-Imam, 2003). S�il n�est pas logique d�exclure la trop forte influence de l�arabe hilalien, on ne peut pas non plus exclure l�influence du punique et du berb�re � langues d�j� enracin�es dans la soci�t� de l��poque et qui plus est sont de la m�me famille linguistique. La pr�sence de traces importantes dans l�arabe maghr�bin d�aujourd�hui l�atteste (v. Abdou El-Imam, cit� supra). Une telle situation de bouleversement linguistique est un peu rare : Camps l�a soulign�e fortement en disant : �C�est une �trange� et assez merveilleuse histoire que cette transformation ethnosociologique d�une population de plusieurs millions de Berb�res par quelques dizaines de milliers de B�douins.� (Ibid). Et plus loin : �Les apports successifs des Beni Soleim, puis des M�qil, qui s��tablirent dans le Sahara marocain, ne port�rent pas � plus de cent mille les individus de sang arabe qui p�n�tr�rent en Afrique du Nord au XIe si�cle� (p57). Notre hypoth�se est que la diff�renciation des vari�t�s de tamazight, parl�es � l��poque, rendait ardue la communication et les transactions entre les locuteurs natifs. Une langue commune v�hiculaire s�imposait. Choisir une parmi les vari�t�s de tamazight n��tait pas le choix idoine du fait de l�inexistence d�une force centralisatrice qui aurait r�alis� une planification linguistique, mais aussi en raison du fait que cela aurait suscit� des antagonismes comme la jalousie des cousins par rapport � celui dont la vari�t� est retenue comme langue commune, car une symbolique est attach�e � la position sociale et politique du d�tenteur de la norme. Cette situation a pu pousser d�une certaine mani�re au choix intuitif de l�arabe hilalien qui offrait bien des avantages (lingua franca) dont la parent� linguistique avec tamazight et le punique n�est pas des moindres. Ajoutons � cela le fait que ses locuteurs partageaient le m�me mode vie (b�douinisme, razzias�) que les Berb�res de l��poque et que les Touareg continuaient � pratiquer il y a de cela tr�s peu (on se rappellera les �v�nements du Niger et du Mali dans les ann�es 90). Le fran�ais et l�espagnol ont p�n�tr� aussi pour des raisons de colonisation. La langue des Banu Hilal, des Soleims et des Ma�qil, m�l�e au berb�re et au punique d�j� l�, a donn� l�alg�rien ou le maghr�bin (v. Abdu Al-Imam, cit� supra) que parle une tr�s grande majorit� des locuteurs du Maghreb. Cette langue, produit devenu autochtone par le fait des diverses interp�n�trations avec les vari�t�s de tamazight locales et de l�histoire ancienne de sa naissance, a �t� et est toujours un facteur d�unification et d�identification de ces populations. L�arabe scolaire (d�riv� moderne de l�arabe classique jadis utilis� dans le domaine formel arabe ancien comme la liturgie, la grammaire, la litt�rature�) et le fran�ais sont devenus pour des raisons historiques et symboliques des langues du domaine formel. La langue fran�aise a �t� utilis�e en Alg�rie durant toute la pr�sence coloniale fran�aise et a continu� au-del� de l�ind�pendance. Des auteurs alg�riens dans cette langue ont connu la c�l�brit� � l�image de Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Mohammed Dib, Jean El-Mouhoub Amrouche, Mostefa Lacheraf� Tahar Djaout, Assia Djebbar, Yasmina Khadra, Amin Zaoui� L�essentiel de l��lite alg�rienne qui a combattu la France coloniale �tait francophone, (m�me les Oul�mas musulmans avaient des publications en fran�ais) et les textes de la R�volution alg�rienne (comme la D�claration de 1er novembre 1954 et la plateforme de la Soummam, documents fondateurs de r�f�rence pour les Alg�riens) �taient r�dig�s en fran�ais. Les m�moires des anciens combattants alg�riens cadres de la r�volution sont aujourd�hui publi�s en fran�ais. Il a fallu attendre les ann�es 1970 pour que la politique d�arabisation commence � remettre en question, au plan l�gal, le statut dominant de la langue fran�aise dans la soci�t� alg�rienne. Aujourd�hui on conna�t beaucoup d�auteurs, arabisants � l�origine, se convertir au fran�ais comme Mohammed Sari, Waciny Laredj� en raison de la faiblesse du lectorat en langue arabe scolaire et de la faiblesse des r�seaux de diffusion mondiale. Toute situation linguistique n�est que la photographie d�un moment de l�histoire et ne peut pr�tendre � l��ternit�. II- La politique linguistique de l�Etat alg�rien par les textes : entre confusion identitaire et obsession de distinction du colonisateur Y a-t-il une politique linguistique explicite et assum�e de l�Etat alg�rien ind�pendant ? Toutes les constitutions alg�riennes ont insist� sur le statut de la langue arabe scolaire comme langue nationale et officielle de l�Etat alg�rien. Seule la Constitution remani�e de 2002 introduit un changement important en proclamant �tamazight est �galement langue nationale� mais pas officielle. Au regard de la pluralit� des langues en usage en Alg�rie, on ne peut dire qu�il y a l� une politique linguistique explicitement formalis�e dans la mesure o� est �lud�e la r�f�rence aux autres langues notamment le fran�ais et l�arabe alg�rien. La loi d�orientation sur l��ducation nationale (n�08-04 du 23/01/2008) qui d�finit les langues enseign�es � l��cole y compris les langues �trang�res, oblit�re l�arabe alg�rien et entretient la confusion en parlant de �la langue arabe� sans qualificatif (ce qui sugg�re l�identit� de l�alg�rien et de l�arabe scolaire institutionnel). A. D. (� suivre) * Professeur des sciences du langage, Universit� d�Alger 2, directeur du CNPLET*/MEN/ Alg�rie.