Menée à l'échelle maghrébine, la recherche en sciences humaines peut fournir une vision d'ensemble, profitable autant à la région qu'à chacun des pays qui la composent. C'est ce que démontrent au fond les auteurs de l'ouvrage Les technolectes au Maghreb : éléments de contextualisation*, publié par le Laboratoire Langage et Société, CNRST-URAC 56 (Centre National pour la Recherche Scientifique et Technique - Unité de Recherche Associée) avec la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l'Université Ibn Tofaïl de Kenitra et le soutien de l'Agence universitaire de la Francophonie. Les coordonnateurs de la publication, la Marocaine Leïla Messaoudi et l'Algérien Farid Benramdane affirment en présentation : «Au-delà des traditions et rituels participant d'un univers socioculturel dont les codes sont très proches, les trois pays du Maghreb – l'Algérie, le Maroc et la Tunisie – retenus pour cette étude, présentent des paysages linguistiques et éducatifs similaires sur bien des points et possèdent des langues en partage qui sont : l'arabe standard et ses variétés dialectales, l'amazigh et ses variétés dialectales et le français…». Ce tableau d'ensemble étant posé, qu'est-ce qu'un «technolecte» ? On le définit globalement comme «un vocabulaire particulier à une technique ou un dialecte technique à l'opposé des termes de sens commun». C'est ce que l'on désigne, souvent de manière péjorative, comme un «jargon». Toute recherche ou activité spécialisée a besoin de constituer son langage à partir d'un lexique particulier mais aussi de pratiques langagières spécifiques. Ce champ linguistique est particulièrement intéressant à étudier. D'abord, il se situe à la jonction entre la pratique globale des langues et le monde des savoirs et savoir-faire. Ensuite, il renseigne sur la maîtrise des sciences et techniques dans une société et permet d'aborder d'une manière nouvelle la transmission par l'enseignement et l'apprentissage. Ces éléments d'approche prennent la dimension d'un enjeu stratégique au Maghreb où l'insuffisante maîtrise et pratique des langues se répercute chaque jour sur d'innombrables activités. Il est impossible en effet d'atteindre la performance dans une science, une technique ou une profession, sans posséder le langage qui la structure et constitue son outil fondamental. L'ouvrage aborde assez richement ces questions, bien qu'il se présente modestement comme une démonstration de l'intérêt à étudier les technolectes. Avec 18 contributions de spécialistes maghrébins, dont trois en langue arabe, ce livre ouvre des perspectives passionnantes et défriche déjà plusieurs sujets brûlants. Ainsi, Leïla Messaoudi aborde la «fracture linguistique dans l'enseignement scientifique au Maroc», cas similaire à celui de l'Algérie et de la Tunisie où des lycéens qui ont eu un cursus essentiellement en arabe se trouvent dans des filières universitaires enseignées en français. Signalons que l'ouvrage est structuré en trois parties : langues et systèmes éducatifs ; paysages linguistiques et contacts des langues et, enfin, la collecte des données.