La manne publicitaire, théoriquement destinée à aider les journaux et la liberté de la presse, est devenue un moyen de pression sur des titres de la presse écrite privée. Epée de Damoclès. L'Agence nationale d'édition et de publicité (ANEP) qui «régit» les annonces publiques est une redoutable arme entre les mains du pouvoir politique et sert à dompter la ligne éditoriale de la presse écrite privée. Une manne publicitaire gérée dans une totale opacité tant la loi sur la publicité tarde à voir le jour. Tous les ministres – treize durant le règne de Bouteflika – qui se sont succédé à la tête du département de la Communication n'ont pas pu tenir leur promesse de mise en place d'un cadre juridique régissant la publicité étatique. La seule tentative sérieuse était la «loi Rahabi» qui avait pour objectifs, entre autres, la levée du monopole sur la publicité étatique et la mise en place d'une autorité de régulation où tous les concernés seraient représentés. Cette loi a été adoptée en juin 1999 par la Chambre basse du Parlement avant d'être bloquée à la Chambre haute «sur ordre de Bouteflika», se souvient Abdelaziz Rahabi, son initiateur. Depuis, le marché publicitaire n'est plus soumis à aucun cadre légal et aucune autorité indépendante n'a de droit de regard sur la gestion des recettes publicitaires redistribuées aux journaux en fonction de l'orientation et de la ligne éditoriale. L'an dernier les recettes publicitaires étaient de l'ordre de 120 milliards de centimes (120 millions d'euros). Selon l'ex-ministre de la Communication, Mohamed Saïd, l'agence étatique pèse deux tiers du marché publicitaire en Algérie. 22% des recettes publicitaires vont aux titres publics et le reste, soit 78%, bénéficie à un grand nombre de titres privés. Cette manne financière, théoriquement destinée à aider les journaux et la liberté de la presse, est «devenue un moyen de pression sur des titres de la presse écrite privée», estime M. Rahabi. Il suffit d'un coup de téléphone pour couper la publicité à un canard qui sort du «journalistiquement correct». Le quotidien arabophone Djazaïr News l'a bien vérifié, hier, à ses dépens. La régie publicitaire ANEP a tout bonnement, au mépris de la réglementation (par ailleurs inexistante à cet effet) informé le quotidien en question qu'il ne bénéficiait plus des annonces publiques suite à «une décision venue d'en haut». Fait du prince. Un marchandage qui dénote d'une velléité de musellement de la liberté de la presse en étranglant financièrement des publications dont la ligne éditoriale est en porte-à-faux avec le passage en force du 4e mandat d'un Bouteflika dont l'aversion pour l'expression libre ne fait pas mystère.