L'Algérie a payé durant cette année sociale 2005-2006, qui tire à sa fin, les impérities de ses gouvernants. Les chiffres sur le nombre de jours cumulés de grève dans le secteur public en revendication d'augmentation de salaires tomberont seulement à la fin de l'année. Il est d'ores et déjà loisible de dire qu'ils sont colossaux : trois débrayages nationaux d'un jour puis deux jours puis trois jours, dans le secteur de l'éducation nationale ; une grève d'un mois dans la majorité des grands centres universitaires, débrayages à répétition dans la fonction publique, chez les douaniers. Pour ne citer que les mouvements les plus médiatisés. Le bras de fer sur le niveau des rémunérations dans la fonction publique a tenu en haleine l'année sociale. Il a eu un coût économique que personne ne veut regarder aujourd'hui : millions de journées de travail perdues, démotivations des personnels, contentions juridiques en suspens, mobilisation de forces de répression importantes. Certes, la lutte syndicale est toujours belle et vivifiante dans la respiration d'une société. Le problème dans la chronique sociale de l'Algérie de 2006 est que ces grèves pouvaient être largement évitées par un gouvernement compétent. Tous les indicateurs de la rentrée sociale précédente montraient qu'il était impossible de passer une nouvelle année sans une réforme importante du système des salaires publics notamment par l'augmentation consistante de sa partie fixe. Période d'attente très longue pour de nombreux corps de la fonction publique, disponibilité financière hors normes pour le Trésor public, sollicitation au travail plus fortes pour les employés de l'Etat. Un cocktail détonant qui ne pouvait être neutralisé que par une prise d'initiative hardie de l'Etat sur le front des salaires. Le gouvernement a choisi de faire le dos rond et de gagner une année de plus en faisant courir la promesse d'une « future tripartite » sur les salaires. Tout a joué contre cette stratégie de l'autruche. D'abord les prix du brut sont restés très hauts. La prévision stratégique l'avait prédit dès le début de la hausse fin 2004 : ce n'est pas un cycle comme les autres. Le sentiment que l'Etat continuait « seul » à s'enrichir en faisant peur au peuple que le lendemain allait être différent - avec un effondrement des cours - a aggravé les frustrations. La duperie a érodé la patience. Ensuite, le gouvernement n'a pas été capable de prévoir les propres effets de sa politique sur la pression sur les salaires. Le programme complémentaire de soutien à la croissance économique (PCSCE) 2005-2009 a eu comme principale conséquence de fouetter l'activité de la grande machine du salariat public, de l'administration centrale et de ses démembrements. Pour le même effectif, une direction de l'habitat de la wilaya de Tébessa suivait en 2006 trois fois plus de projets de réalisation sur le terrain à cause d'un budget d'équipement qui a explosé. Trois fois plus de travail, trois fois plus de responsabilités... pour la même rémunération. Les plus grands supporters des grèves des enseignants étaient les agents de bureau de leurs académies ou de leurs ministères. Les premiers signes de retards dans l'application du PCSCE viennent déjà de l'affaissement du rôle d'animateur de l'administration centrale. Faute de rémunération adaptée aux paramètres nouveaux de la conjoncture. Il est clair qu'il fallait augmenter conséquemment les salaires de la fonction publique dès le 1er janvier 2006 pour gagner une année de pleine activité. Le président Bouteflika a manifestement choisi d'utiliser cette augmentation comme une carte électorale dans sa manche. Nous avons perdu 2006.