« Les drogues ne sont pas un jeu d'enfant » est le thème retenu par les Nations unies pour célébrer cette année, la Journée internationale (26 juin) contre l'abus et le trafic illicite des drogues et faire de cet événement une occasion pour renforcer les actions à même de réduire la consommation de la drogue au sein de la société. Etant frontalière avec un pays classé premier producteur mondial de cannabis, l'Algérie, au fil des années, est passée du statut de zone de transit pour la commercialisation de ces herbes à celui de consommateur. Les ravages occasionnés par la drogue dans les milieux juvéniles sont révélateurs. Une enquête récente réalisée par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche sur ce phénomène a montré que la toxicomanie a connu, ces dernières années, une ascension fulgurante qui touche actuellement de larges pans de la société, notamment le milieu des chômeurs, sans pour autant épargner d'autres catégories comme celle des étudiants et des femmes. Ainsi, sur une population, 4080 personnes interrogées par les enquêteurs, 45,49 % ont déclaré avoir été en contact avec la drogue au moins une fois et 31,6% des chômeurs ont exprimé leur intention de passer à la drogue dure. Mieux, ces dernières ont pour 75% de cas masculins et 25,70 % de femmes déclaré avoir consommé une fois la drogue et sont 52% des personnes interrogées à avoir des proches qui se droguent. Parmi les étudiants, 45% de garçons et 16,48% de filles ont reconnu avoir goûté à la drogue. Selon l'enquête de la Fondation, réalisée entre mai et juin 2006 à travers les wilayas d'Alger, de Tizi Ouzou, de Béjaïa et de Laghouat, notamment dans des lieux publics comme les salons de coiffure, les restaurants, les rues, les cafés, les gares routières, les quartiers populaires et les stades, 37% des personnes interrogées ont reconnu avoir eu l'occasion de consommer de la drogue. Préférence pour la consommation privée Parmi elles, les chômeurs représentent 70%, les femmes qui ne travaillent pas, 18%, les étudiants 39% et les étudiantes 13,30%. L'échantillon pris pour cette enquête, a expliqué le professeur Khiati, président de la Forem, comporte 61,55% de célibataires, 32% mariées et 2,15% sont divorcées. Elles vivent dans 71% des cas chez leurs parents et 21% des cas, seules. Elles sont âgées entre 20 et 30 ans, pour 52% des cas, de plus de 30 ans, pour 31% des cas, de moins de 20 ans pour 17% des cas. Le tiers de l'échantillon représente la catégorie des chômeurs, parmi lesquels 66% sont des hommes, le tiers des étudiants, dont 49% de femmes et un tiers de diverses fonctions. Dans le communiqué rendu public, hier, faisant état des résultats de l'enquête, la Fondation a révélé qu'à propos de la fréquence de la consommation de la drogue, 12,42% des personnes interrogées ont déclaré qu'elles se droguent fréquemment. Parmi ces dernières, 64% sont des chômeurs. Les enquêteurs ont noté que 11,6% des questionnés déclarent que leur dernière prise remonte à quelques jours. Parmi ces derniers, 39% des cas sont des chômeurs et 15% des étudiants. L'enquête a révélé, par ailleurs, que 67,39% de femmes ont déclaré leur préférence pour une consommation en privé, alors que 73% d'hommes ont plutôt privilégié celle en groupe. Les consommateurs se procurent la drogue dans 53% des hommes et 40% des femmes en l'achetant sur le marché. Les chômeurs ont affirmé dans 29% des cas voler pour s'approvisionner pour 17% des cas, ils ont déclaré que la source de financement de la drogue reste la revente de celle-ci. Les raisons qui ont poussé les jeunes à se droguer sont les « problèmes » pour 45% des chômeurs masculins, et 44% des étudiantes, sans pour autant que ces problèmes ne soient clairement identifiés. Néanmoins, 84% des personnes interrogées ont reconnu que la drogue est une très mauvaise chose, contre 6% des cas qui l'ont jugée bonne. Selon toujours la même enquête, 14% des chômeurs et 18% des étudiantes ont estimé que la drogue règle les problèmes des jeunes. Abordant le volet de la prévention, l'enquête a révélé que 34% de chômeurs et 15% d'étudiants ont affirmé n'avoir jamais eu accès à des informations sur les dangers de la drogue. La réduction de l'offre, une urgence Les chiffres de cette enquête, même très relatifs, sont révélateurs. Ils montrent clairement que la toxicomanie touche surtout les chômeurs, mais gagne de plus en plus les rangs de la gent féminine, jusque-là épargnés. Ce fléau ne concerne pas uniquement notre pays, mais de nombreuses autres nations du monde. Pour cette raison, les Nations unies à travers le secrétaire général, Kofi Annan, ont appelé à la nécessité d'améliorer l'éducation et à susciter une prise de conscience accrue pour prévenir le fléau de la drogue. Dans une déclaration rendue publique hier à cette occasion, Koffi Annan a estimé que « les efforts doivent être particulièrement axés sur les jeunes, par des activités de vulgarisation et la mise en place de réseaux de pair à pair, ainsi que par l'utilisation de moyens comme le sport pour maintenir les jeunes en activité, préserver leur santé et leur donner confiance ». Il a également mis l'accent sur la l'urgence de la réduction de l'offre sur le marché de la drogue à travers une action répressive mais aussi en aidant les pays producteurs à mettre à la disposition des agriculteurs des solutions pour remplacer les cultures illicites. Pour sa part, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a déclaré que « des millions de personnes âgées de 15 à 64 ans ont consommé des drogues placées sous contrôle international, au moins une fois au cours des douze derniers mois (...) Le cannabis, les méthamphétamines, la cocaïne et l'héroïne sont parmi les drogues dont l'abus est le plus répandu (...) Même si les statistiques ne tiennent souvent pas compte des enfants, on sait que la consommation de drogues a aussi des conséquences préjudiciables sur les enfants âgés de moins de 15 ans (...) bien que cela ne soit pas la norme, certains enfants commencent à le faire dès l'âge de 8 ou 9 ans ». Dans une déclaration rendue publique sur son site internet, hier, l'ONUDC a noté à ce sujet que « la pression du milieu familial ou social, de même que d'autres facteurs influencent leur décision et les enfants vivant et travaillant dans la rue sont particulièrement vulnérables à l'abus de substances psychoactives ». L'organisation a appelé « la famille à agir dans l'intérêt de l'enfant, en s'efforçant de comprendre les problèmes qu'il vit et à chercher des solutions dans le cadre ou en dehors de l'unité familiale ». L'école, a-t-elle ajouté, devrait être aussi un milieu où les enfants peuvent développer leurs compétences interpersonnelles et leur sens des responsabilités et peuvent être informés sur les dangers de la consommation de drogues. A signaler que plusieurs activités dans la prévention contre les toxicomanies sont programmées aujourd'hui par la société civile, et les institutions de l'Etat.