En laissant Vimpelcom prendre la gestion de Djezzy, l'Algérie prend, à terme, un risque important. Celui de mettre en difficulté son propre opérateur. L'Etat algérien, via le Fonds national d'investissement (FNI), s'empare de 51% du capital de l'opérateur Djezzy. La transaction d'un montant de 2,643 milliards de dollars ne fait pas l'unanimité pour les experts du secteur. Entre conflit d'intérêt et risque d'une gestion calquée sur le modèle des entreprises publiques, les experts s'interrogent sur les répercussions de cette décision. L'Etat est-il perdant ou gagnant dans cette affaire ? Même si Lakhdar Benkhallef, parlementaire d'Al-Adala, affirme que Djezzy ne sera pas géré de la même façon que l'opérateur public, puisque c'est Vimpelcom (groupe russe actionnaires d'Orascome Télécom Algérie) qui prendra en charge le management. Djezzy pourrait, tout de même, être le perdant dans la mesure où la gestion des entreprises publiques «n'a jamais été efficace», explique Youcef Grar, expert en technologie de l'information et de la communication. «Djezzy est le perdant si l'Etat assure la gestion. La gestion n'a jamais été le point fort de l'Etat. Les entreprises publiques d'aujourd'hui en sont un exemple.» Un avis appuyé par Farid Farah, spécialiste des technologies de l'information et de la communication : «Le plus grand gagnant, c'est le russe Vimpelcom qui a eu ses 2,6 milliards de dollars et le droit de gestion. Sa situation sera également débloquée et il pourra même se lancer dans la 3G. En contrepartie, le FNI a investi de l'argent qu' il ne peut pas gérer. Cette démarche est entreprise juste pour donner l'exemple que la politique 51/49% est appliquée.» Pour lui, l'Algérie a pris un risque : «Le marché de téléphonie mobile est saturé avec 39,5 millions d'abonnés. Cette situation fait baisser les revenus des opérateurs qui doivent redynamiser le marché, c'est-à-dire se lancer dans la data (internet). Avec cette transaction, Djezzy devient un semi-privé ou semi-public, il n'est pas évident que cela marchera.» «Or, il y a deux manières de gerer», explique Youcef Grar. «Avec Mobilis, c'est une partie d'administration qui essaie de se convertir en entreprise. Nous constatons quotidiennement cette culture administrative. Il est donc recommandé de vendre à un privé. Il gérera mieux, avec plus de flexibilité et d'efficacité. Puis l'Etat veillera sur le marché concurrentiel», développe-t-il. D'ailleurs, l'expert se demande pourquoi l'homme d'affaires Rebrab qui détenait 3% de Djezzy a cédé ses parts. Il expose deux scénarios. Si l'Etat l'a poussé à partir, cela veut dire qu'il préférait manœuvrer seul et si c'est l'homme d'affaires qui ne voulait plus investir, cela voudrait dire que pour lui, il y aurait anguille sous roche. Concurrence L'Etat continue à mépriser le privé, autrement Rebrab aurait été le meilleur garant. Autre sérieux problème : le conflit d'intérêt. «Si Djezzy par exemple veut lancer des offres spéciales pour attirer ou récupérer d'autres clients de l'opérateur public, le conseil d'administration ne peut pas s'y opposer. Car sa mission est de veiller sur le bénéfice de l'entreprise», mais cela affectera directement son propre opérateur, Mobilis. «Comment alors le gouvernement gérera cette situation ?», s'interroge Youcef Grar. Pour lui, «il est préférable que ce soit des entreprises privées et d'autres grands investisseurs qui achètent les actions de Djezzy pour éviter un conflit d'intérêt». «L'acquisition de Djezzy se présente comme un sérieuse concurrence aux deux autres opérateurs», selon Farah. «A long terme, l'opérateur public et Djezzy peuvent se lancer dans un partenariat pour le déploiement de la 3G et le partage des BTS (antennes 3G). Démarche qui diminuerait les coûts d'investissement. Plus les coûts sont bas, moins chère est l'offre. Dans ce cas-là, c'est Oredoo qui en fera les frais», argumente-t-il.